Le mouvement associatif riposte. Pas moins de 25 organisations de la
société civile montent au créneau pour réclamer l’abrogation pure et
simple de la nouvelle loi sur les associations. Rassemblés en un
collectif créé vendredi 1er novembre, sous l’impulsion des associations
RAJ et ARC, avec la participation de l’Association de protection contre
le sida, du Collectif des familles de disparus algériens (CFDA), de la
Ligue algérienne de défense des droits de l’homme et de bien d’autres,
elles comptent se donner tous les moyens pour en venir à bout :
campagnes de sensibilisation, plaidoyers auprès des partis politiques et
des groupes parlementaires, installation d’une commission mixte
d’experts et de juristes pour la proposition d’une loi alternative,
signature d’une pétition et réalisation d’une plateforme commune autour
de laquelle toutes les associations du pays seront priées de se
rassembler.
A présent unis, les contestataires de cette loi, jugée «liberticide
pour la liberté d’expression» pourtant garantie par la Constitution,
comptent faire du lobbying autant au niveau national qu’international.
Depuis son adoption, le 13 décembre 2011, par le Parlement, la nouvelle
loi sur les associations ne cesse d’être décriée de manière dispersée
par différents acteurs de la société civile. Elle suscite l’intérêt même
au niveau international. Il y a seulement deux jours, les membres de la
délégation du Parlement européen, en visite à Alger, ont exprimé leur
préoccupation du sort des associations et de leur financement et n’ont
pas hésité à déclarer qu’ils jugeaient nécessaire «une révision de la
loi les régissant, car il s’agit de rendre possible, avec un contrôle
évidemment, l’émergence d’un tissu associatif et non pas le limiter». En
somme, l’objectif est ambitieux.
Une question de citoyenneté
A l’origine de la colère des militants et activistes qui réclament son
abrogation, l’article 39 interdisant «toute ingérence dans les affaires
internes du pays», une disposition qui prend les allures d’un outil de
pression et de contrôle «anticonstitutionnel». «Un article qui permet à
l’administration d’interdire légalement à tout citoyen de donner son
avis sur la gouvernance locale ou nationale, mais aussi de suspendre les
activités de toute association qui déplairait ou gênerait le pouvoir
exécutif», note le collectif, qui rassemble des associations activant
dans différentes wilayas. Deux associations oranaises ont d’ailleurs
récemment fait les frais de cet article en voyant leurs activités
suspendues suite à une prise de position qui n’allait pas en faveur des
décisions prises par l’ancien wali d’Oran, devenu ministre de la Santé
depuis.
Rassemblant des habitants de Canastel, l’Association des résidents de
Canastel (ARC), l’une des deux associations suspendues, avait fait de la
protection de la forêt de Canastel son cheval de bataille depuis sa
création, en mai 2012. Pour l’arrêt immédiat des travaux et la
destruction des arbres, l’ARC n’a pas hésité à déposer des plaintes en
référé contre l’APC d’Oran et les propriétaires des lots de terrain
objet du litige. Suite à ses dépôts de plainte, l’ARC obtient l’arrêt
des travaux avant d’apprendre, le 14 juillet 2013, la suspension de ses
activités pour «ingérence dans les affaires internes de l’Etat». Le 13
octobre dernier, la justice a définitivement annulé le gel de ces deux
associations qui militaient pour la protection de l’environnement, mais
«la menace persiste et s’applique à tous», précise le président de
l’ARC. L’objectif annoncé par le collectif est justement de sauvegarder
la liberté de s’exprimer, de se réunir et de se sentir concernés par
«les affaires internes du pays». Une question de citoyenneté.
Blocage à tous les niveaux
Les associations ayant pris part à la création de ce collectif sont
bien conscientes que toutes les causes qu’elles défendent peuvent être
stoppées net en tombant sous le coup de cette nouvelle la loi
coercitive. Mais la menace ne se situe pas qu’à ce niveau. Il semblerait
que tout soit fait pour limiter et museler les associations, quels que
soient leurs domaines d’action (exception faite pour les associations
satellites du régime).
Des blocages sont d’ailleurs dénoncés à tous les niveaux. «Plusieurs
associations sont actuellement confrontées au refus récurrent et non
motivé de la part du ministère de l’Intérieur d’autoriser la tenue de
leur assemblée générale ou de leur congrès», explique maître Aïssa
Rahmoune, membre de la Ligue algérienne de défense des droits de
l’homme. Pour le juriste, «l’article 41 de la Constitution qui dispose
que les libertés d’expression, d’association et de réunion sont
garanties au citoyen et l’article 22 du Pacte international relatif aux
droits civils et politiques (conclu à New York le 16 décembre 1966)
ratifié par l’Algérie le 12 septembre 1989, la nouvelle loi sur les
association est anticonstitutionnelle». Pour lui, la loi légalise le
pouvoir sans limite de l’administration pour contrôler la naissance, la
vie et la mort des associations.
Le même constat sans appel est dressé par Abdelouahab Fersaoui,
président de l’association RAJ, qui a abrité le coup d’envoi de
l’initiative ce vendredi : «Le but de ce collectif est de créer un
programme à moyen et long termes, d’organiser des campagnes de
sensibilisation, un véritable travail de lobbying auprès de toutes les
institutions de l’Etat, associations nationales et ONG internationales
pour cesser ce musellement du mouvement associatif.» Pour lui, il est
inadmissible que la suspension ou l’interdiction d’une association
puisse être prononcée par l’administration, alors que dans un Etat de
droit, ces prérogatives relèvent de la justice. Près de 300 signatures
ont déjà été rassemblées, le collectif annonce qu’il n’en est qu’à ses
débuts…
Bouredji Felle
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