Les coupables ? Une multitude de sous-traitants qui ont pignon sur rue à Ouargla et Hassi Messaoud. Les plus huppés opèrent dans le domaine du catering, de l’hygiène, du transport, du gardiennage, etc. Pour la main-d’œuvre, ce sont de simples bureaux où les chômeurs viennent quémander un travail. Pourtant, les activités de ces boîtes ont été interdites une première fois en 2004 avant de réapparaître en 2007 avec une nouvelle réglementation. Elles ont à nouveau été interdites par un décret publié en 2011.
Les contrats se négocient dans les cafés
Passe-droits, licenciements abusifs, corruption, abus de pouvoir, le monde du travail à Hassi Messaoud est une jungle où le travailleur non pistonné est broyé, essoré et jeté quand il est usé. «Quand ton contrat arrive à échéance, il faut user de la chitta (la brosse) et faire des cadeaux pour espérer qu’on te le renouvelle. Les travailleurs sont jetés comme des kleenex», dit Hacène, qui a rejoint Sonatrach-City en 1978. Hacène a fait tous les métiers possibles avant de jeter l’éponge pour entamer une nouvelle carrière en tant que chauffeur de taxi. «Ici, on veut des travailleurs dociles qui courbent l’échine», dit-il. Son ami, Kamel, 33 ans, est depuis 8 ans à Hassi Messaoud, mais il ne travaille qu’avec les sous-traitants.
Tout se fait au noir et au mépris de la réglementation en vigueur. Les sous-traitants négocient avec les responsables du recrutement au niveau des sociétés pour qui, en général, ils versent une partie du salaire des travailleurs recrutés sous forme de dessous de table. Une autre grande partie de ce salaire va directement dans la poche du sous-traitant et le pauvre travailleur, tout heureux d’avoir décroché un job, ne reçoit que des miettes d’un salaire qui a été négocié sur son dos.
Pour nous, c’est l’esclavage des sous-traitants…
Certains peuvent recevoir un salaire mensuel de 30 millions de centimes, mais ils doivent pour cela renoncer à la prise en charge pour l’hébergement, la nourriture, le transport et l’équipement de sécurité. Ils sont recrutés pour des projets non déclarés effectués par des entreprises de plusieurs nationalités, notamment jordaniennes ou syriennes. Le plus grave est qu’ils doivent accepter des travaux extrêmement dangereux pour lesquels un équipement de sécurité spécial est requis. Slimane Souid, 25 ans, que nous avons rencontré à Metlili, dans la wilaya de Ghardaïa, est chômeur. Il a travaillé comme soudeur homologué à plusieurs reprises, toujours pour des sous-traitants. «On soudait à l’iridium 192, mais on n’avait pas de protection contre les rayons gamma. Normalement, on doit avoir un stylo dosimètre et un badge également dosimètre qui indiquent la dose de rayons gamma que nous avons reçus dans la journée. En huit mois de travail, je n’ai jamais été contrôlé, alors que je devrais bénéficier de périodes de repos obligatoires», raconte Slimane. Beaucoup de ceux qui ont accepté de travailler dans ces conditions, notamment de faire de la soudure au cobalt 60, pourtant interdit, et à l’iridium 192, sont devenus stériles.
28 ans, également chômeur. «Pour les travailleurs simples, c’est de l’exploitation pure et simple. On rentre à pied si on rate la navette de transport. On dort dans une tente, pas d’électricité, pas de douche, pas de congé de récupération et on doit travailler sous des températures qui frôlent les 50 degrés. Tout cela pour des salaires qui vont entre 25 et 30 000 DA», ajoute Slimane. «Pour nous, c’est l’esclavage et les rayons gamma ou alors la contrebande et le terrorisme. Il n’y pas d’autre alternative», conclut-il.
Pour tous ceux que nous avons rencontrés, les choses se sont compliquées depuis l’arrivée des Syriens. «Ils sont mieux payés que nous. Jusqu’à trois fois plus. Tout le monde sait que c’est Chakib Khelil, l’ancien ministre de l’Energie, qui les a introduits ici par l’intermédiaire de sa femme qui est de là-bas», assure Redouane. «El gaouri yehrath âlik wou souri yehrath âlik», ajoute-t-il. «Les Occidentaux et les Orientaux nous exploitent.»
«Lazem tarkaâ !»
L’une des combines à laquelle ont recours des sous-traitants malhonnêtes est de déclarer à l’assurance cinq ou six seulement des 100 ou 150 travailleurs qu’ils recrutent. S’il arrive un accident à un travailleur non assuré il suffit juste de «déplacer» l’assurance sur le travailleur accidenté. Avec, évidemment, des complicités grassement payées. Kamel : «J’ai vu à trois reprises des travailleurs mourir sous mes yeux du temps où je travaillais avec Pireco. A cause de défaillances dans les normes de sécurité avec des HSE (responsable hygiène, sécurité et environnement) complices qui ferment les yeux. Les sous-traitants sont, la plupart du temps, des escrocs. Même des femmes de ménage sont devenues des sous-traitantes avec le temps en vendant leurs charmes», dénonce-t-il.
De notre envoyé spécial
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