samedi 09 mars 2013
Il est «
l’homme fort » du football algérien. Il est si puissant que personne n’ose se
mesurer à lui ne serait-ce que pour jouer le rôle de lièvre à l’élection de la
présidence de la plus importante fédération sportive. Jeudi, devant un parterre
qui lui était totalement acquis, il décrocha son troisième mandat à la
tête de la Fédération Algérienne de Football par un vote à main levée et des
applaudissements nourris. Un plébiscite. Président de la FAF, voilà un poste
qu’il ne lâchera pas pour tout l’or du monde. Un poste où il est seul maître à
bord. Il n’a de comptes à rendre à personne. Ni cour des comptes ni ministère
de tutelle ni justice. La FAF est son royaume. Il en fait et y fait ce qu’il
veut. Il est beaucoup mieux que le Président de la République. Il est le
« tout puissant » El Hadj Mohamed Raouraoua.
« Ana,
kbiiiir… » (je suis très grand) répétait Mohamed Raouraoua à l’un de ses
proches dans sa luxueuse villa de Moretti achetée pour une bouchée de pain
(deux cents mille dinars soit vingt millions de centimes) rasée et reconstruite
en six mois par les Chinois qui ont réalisé l’hôtel Sheraton à Staouéli.
Il se voit
grand parce qu’il a « envoyé le président dormir tranquillement en faisant
sortir dans la rue 35 millions d’Algériens fêter la qualification de l’EN au
mondial 2010» susurre-t-il à qui voulait l’entendre s’expliquer sur cette
puissance qu’il manifeste avec dédain à la face de quiconque voudrait lui
apporter la moindre contradiction ou lui contester le moindre bout du pouvoir qu’il
s’est arrogé dans le monde du football. Il ne manque pas de s’approprier le
retour à la paix civile et réduire les réalisations du président Bouteflika à
une qualification à la phase finale de la coupe du monde de football sur
laquelle l’un de ses sbires installé au Qatar jettera, tout récemment, le doute
en insinuant que les matchs ont été combinés et que tout le mérite revient à
Raouraoua qui a acheté les arbitres et les matchs de qualification. Car
dans la logique du président de la FAF tout se vend et tout s’achète.
Une fortune
aux origines douteuses
Certaines
facettes de sa personnalité rappellent quelque peu Moumen Rafik Khalifa,
ce jeune milliardaire qui a bâti sa fortune sur le bluff et la magouille tout
en profitant de l’opacité du système de gouvernance du pays. A la différence de
Khalifa qui a beaucoup fait dans le bling-bling, et en homme mûr et averti,
Mohamed Raouraoua sait se faire discret. Il n’étale pas de signes de richesse
malgré une fortune qui se compte à coups de centaines de milliards. La tour de
Bab-Ezouar, à elle seule, est évaluée à plus de six cents milliards de
centimes.
Sa fortune,
Hadj Raouraoua, comme il aime se faire appeler (il a fait le pèlerinage
plus d’une dizaine de fois, paraît-il), il l’a construite durant les années du
terrorisme. Les années 90’. Période propice pour beaucoup de gens qui ont
flairé le bon coup en profitant de certaines opportunités qu’offrait la
situation qui prévalait au pays. En bon opportuniste, et ce n’est pas
péjoratif, l’actuel président de la FAF a su se faire des relations tous
azimuts pour se faire d’abord une place dans la périphérie du pouvoir
politique, au milieu des années quatre-vingts, une période qui a vu la
médiocrité s’ériger en système.
C’est ainsi
qu’un chauffeur s’est retrouvé conseiller à la présidence de la république et
un bagagiste devenu ambassadeur. C’est dans la logique des choses qu’un placeur
dans les salles de cinéma se trouve propulsé à la tête de la télévision
publique, la chaîne unique. En quelque sorte, Mohamed Raouraoua est passé du
grand écran au petit écran après avoir fait escale dans une direction du
ministère de la Culture qui avait sous sa coupe les salles de cinéma. Un
parcours dont le moins qu’on puisse dire est ce qu’il y a de plus simple.
D’ailleurs,
Mohamed Raouraoua ne quittera pas le domaine de l’information et de la culture
en se voyant nommer PDG de l’ANEP, une entreprise étatique sous tutelle du
ministère de ce même département. Le placeur du cinéma Dounyazed et de la salle
Le Mouggar a le vertige. Il ne s’imaginait pas monter si haut, lui qui ne
possède ni bagages intellectuels ni une grande compétence.
Pour se
frayer son chemin dans la haute société il investit dans le relationnel. C’est
son fort. Se servir et se faire servir. Il sait se montrer courtois, aimable et
sympathique quand il le faut et avec qui il le faut. Tout comme il sait être
arrogant, hautain et méprisant allant jusqu’à couvrir d’injures son
interlocuteur qui ne pèse pas lourd sur l’échiquier social.
Certes, on
peut se faire des relations pour se hisser à des postes de responsabilités dans
l’administration. Mais, se constituer une fortune tout en étant fonctionnaire
de l’Etat cela ne peut se faire sans outrepasser certaines règles et sans
enfreindre certaines lois. Sinon, comment expliquer la fortune que s’est
constituée Mohamed Raouraoua ? Ceux qui le connaissent et qui connaissent son
parcours concerne sa colossale fortune en disent des choses. Nous n’oserons pas
les reprendre à notre compte nous préférons les ajourner en attendant leur
confirmation. Cette enquête n’a pas pour but de jeter l’opprobre sur le
président de la FAF mais juste de révéler sa véritable personnalité tant il est
un homme public qui occupe des fonctions qui exigent de lui une probité morale irréprochable,
même si ce n’est pas le cas de tous les responsables algériens à quelque niveau
soient-ils.
Quand le
terrorisme favorise les affaires
Selon des
sources proches d’El-Hadj Raouraoua, sa fortune a pris naissance avec la
fabrication de l’améliorant de la farine alors qu’il était PDG de l’ANEP.
Durant la même période il achète au prix fort un terrain de 300 m2 à Hydra (pas
loin de l’Ecole Nationale d’Administration) sur lequel il construit une
villa qu’il louera plus tard à l’ambassade d’Arabie Saoudite avant de la louer
à la banque NATEXUS. Certaines sources disent qu’il avait fini par vendre cette
villa à cette banque qui loue, aussi, quelques bureaux à la tour de
Bab-Ezzouar.
Une fois ses
affaires lancées, il quitte l’ANEP pour se consacrer à elles et se libérer des
contraintes de la fonction publique. On est au milieu des années
quatre-vingt-dix. Le pays sombre dans la spirale terroriste. La mort rode
partout. Des cadres, des intellectuels, de paisibles citoyens tombent
quotidiennement. La seule préoccupation des gens est comment sauver sa tête et
échapper à la faucheuse. Personne n’ose investir ou entreprendre quoique ce
soit. De son côté, l’Etat consacre tous ses moyens à la lutte antiterroriste et
ferme les yeux sur tout ce qui s’assimile à la fraude et à la corruption.
Pratiquement il n’y avait plus d’Etat.
Il faut être
vraiment futé pour penser à investir. Et des futés, il y en avait en Algérie.
Parmi eux, Essi El-hadj Raouraoua. Il était, comme beaucoup d’autres,
visionnaire. Il savait qu’un jour ou autre la paix reviendra et les affaires
reprendront de plus belle. Il faut savoir les mettre sur rails tant que les
autres sont paralysés par le phénomène du terrorisme. Comme beaucoup de «
visionnaires » Hadj Raouraoua allait investir dans ce qui marchait le plus et
qui était, à l’époque, très en vogue : l’import-export. Plutôt,
l’import-import. Puisqu’il n’avait rien à exporter d’un pays ravagé par l’état
de guerre qu’imposait l’hydre terroriste.
On
l’appelait « Hadj farina »
Il commence
à importer de la farine en profitant de la levée du monopole de l’Etat sur le
commerce extérieur. Alors que l’ancienne entreprise étatique ERIAD le limitait
dans l’achat des quantités de farine pour la fabrication de l’améliorant, avec
sa société d’importation il peut acquérir tout ce dont il a besoin. Mieux
encore, il ouvrira une boulangerie industrielle à Garidi (Kouba) sur les
hauteurs d’Alger et vérifiera à son profit ce que signifie le dicton « ça se
vend comme des petits pains ».
Au-dessus de
la boulangerie il fait de l’appartement acquis un cabinet de cardiologie dont
se servira sa fille. L’appartement en question a été acquis comme un logement
social. Et selon les proches du président de la FAF, il a bénéficié de cinq
appartements dans la wilaya d’Alger qu’il aurait vendues. Une information qui
reste à vérifier. D’ailleurs nous regrettons le refus de Hadj Raouraoua de
collaborer dans la réalisation de cette enquête. Il n’a pas jugé utile de
donner suite à notre demande pourtant bien réceptionnée par sa secrétaire à la
FAF qui a signé l’accusé de réception. Toutefois, les colonnes de « Mon journal
» et de « Jaridati » lui restent ouvertes pour confirmer ou infirmer et
corriger les informations recueillies auprès de personnes qui le connaissent que
trop bien.
Cependant,
la plus belle des affaires du patron de la FAF est incontestablement la tour de
Bab-Ezzouar dont une bonne partie des locaux sont loués à l’opérateur de
téléphonie « Nedjma », -sponsor de l’Equipe Nationale de Football- et à la banque
NETAXUS dont il serait actionnaire selon certaines sources. Cette tour est
construite sur un terrain que lui avait vendu Rachid Marif, le président
d’honneur du Mouloudia d’Alger et actuel ambassadeur d’Algérie à Rome. Pressé
de rembourser un crédit contracté auprès de la banque KHALIFA au moment de sa
liquidation, M. Marif a vendu son terrain à Mohamed Raouraoua (il l’aurait
inscrit au nom de l’un de ses fils). Pour la construction de la tour, il est
fait appel à l’entreprise égyptienne ARAB CONTRACTORS qui avait bénéficié du
marché de la réalisation du siège de la FAF financé par la FIFA. Le même
entrepreneur égyptien bénéficiera, également, du marché de la réalisation de la
partie annexe du centre technique des Equipes Nationales de Sidi Moussa. Le
suivi des travaux de ce centre est assuré par le fils d’El-Hadj Raouraoua même
s’il n’a aucune qualification en bâtiment comme l’affirment nos sources.
Pour
l’anecdote, Samir Zaher, le président de la Fédération Egyptienne de Football
avec lequel Raouraoua était entré en conflit allant jusqu’à lui refuser de
serrer la main est un des actionnaires d’ARAB CONTRACTORS et une grande amitié
le lie à son homologue algérien. Une amitié teintée d’argent et d’affaires.
Des biens à
l’étranger comment les a-t-il acquis ?
La fortune
de Hadj Raouraoua n’a pas de frontières. Plusieurs sources concordent à dire
qu’ils possèdent beaucoup de biens à l’étranger dont un hôtel à la Mecque, un
autre à Marseille et deux appartements à Paris. Des informations que nous
publions sous toute réserve en espérant un démenti du concerné. Un démenti que
nous ne souhaiterons pas voir remis en cause par des documents que fourniraient
ses contradicteurs pour prouver l’existence de ces biens.
Si
l’acquisition d’une fortune en Algérie peut s’expliquer par le réseau de
relations tissé par le président de la FAF et par l’absence de contrôle de
l’Etat en période de terrorisme, il n’en est pas de même à l’étranger. Pour
acquérir des biens il faut avoir les moyens financiers. Sachant que Mohamed
Raouraoua n’a jamais exercé une quelconque activité susceptible de lui offrir
les moyens nécessaires à l’investissement dans l’immobilier, il y a fort à
parier que les rumeurs ayant circulé au sujet de sa nomination en qualité de
commissaire de l’année de l’Algérie en France en 2005 ne sont pas dénuées de
fondements.
A cette
époque, Hadj Raouraoua n’occupait aucune fonction dans le secteur étatique. Il
venait de rompre avec la fonction publique pour se consacrer à ses affaires
privées. Sa présidence de la FAF n’a aucune relation avec le secteur étatique.
Nommer un chef d’une entreprise privée pour gérer les deniers publics en
devises dans une manifestation qui se tient à l’étranger et qui consomme un
énorme budget ça ouvre toutes grandes les portes à toutes les spéculations et
supputations. L’acquisition de biens à l’étranger par un homme qui est supposé
n’avoir aucune activité lucrative en dehors des frontières nationales doit
interpeller la justice si cela se confirme. Ceux qui ont désigné M. Raouraoua
commissaire de l’année de l’Algérie en France doivent bien des explications à
l’opinion publique.
Ce ne sont
pas les cadres qui manquent au ministère de la culture pour faire appel à un
patron issu du secteur privé et dont les qualifications en matière de
culture ne sont pas avérées et ne font pas de lui un personnage incontournable.
Et qu’en
est-il du football ?
Comme nous
venons de le voir, Hadj Raouraoua, même s’il n’est pas le bon capitaine
d’industrie comme on en voit en Europe, il n’en demeure pas moins, qu’il a
réussi à faire prospérer ses affaires et à se constituer une fortune colossale
malgré le peu de disponibilité que lui laissent ses activités à la FAF, à la
CAF, à l’UNAF et à la FIFA. Qu’en est-il de sa gestion du football et quelle a été
sa contribution au développement du football algérien si développement y en a ?
C’est ce que nous verrons dans la 2ème partie de cette enquête que nous
publierons dans notre édition de demain.
Une enquête
de Hichem ABOUD
Pour la réalisation
de cette enquête, nous avons adressé un courrier avec accusé de réception à
Monsieur Raouraoua afin de nous livrer sa version ou du moins apporter les
éventuelles corrections concernant les informations relatives à son parcours
professionnel, sa fortune et sa gestion des affaires du football algérien.
Jusqu’à l’écriture de ces lignes, nous n’avons reçu aucune réponse à notre
correspondance. Cela ne nous empêche pas de lui laisser les colonnes de notre
journal ouvertes pour tout rectificatif ou mise au point ou autre éclairage sur
cette personnalité publique.
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