Lundi 02 septembre 2013
Nous avons reçu la lettre suivante
de Mme Sihem Ben Sedrine postée par mail le 27 aout .En droit de
réponse nous la publions en intégralité .
voici le texte de la réponse que je souhaite voir reproduire sans altération:
Qui connaît monsieur Philippe Laurent ?
Devrais-je m’étonner de cette énième
campagne de calomnies qui se partage et se transmet sans aucune réserve
ni discernement. Le stratagème est simple et vieux comme le monde : on
crée une intox, on manipule l’opinion, le réseau la partage, elle
devient un fait avéré et on construit une autre dessus et la preuve du
nouveau mensonge, c’est le premier mensonge. Essayons quand même de
déconstruire cet échafaudage de pollution intellectuelle.
N’eut été cet amas d’insultes nauséabond
qu’il a imprudemment commis, j’aurais probablement continué à ignorer
jusqu’à l’existence de ce Philippe Laurent. Sa prétention à se présenter
comme un défenseur de droits humains attaché à la démocratie en Tunisie
n’a absolument rien qui l’étaye, d’autant qu’il est totalement inconnu
au bataillon des démocrates belges et européens qui ont accompagné les
militants tunisiens dans leur lutte contre la dictature.
Et pour cause! Une petite recherche
rapide révèle que monsieur Philippe Laurent réside régulièrement au
Golden Beach à Monastir, dont il est actionnaire avec un groupe saoudien
(le Wahabisme est fréquentable quand il s’agit de monnaie sonnante et
trébuchante n’est-ce pas !) et se prépare à lancer avec eux un grand
projet de polyclinique spécialisée en tourisme médical ; Tout cela peut
sembler parfaitement légitime s’il ne coltinait pas à l’époque avec la
dictature, fréquentant avec assiduité le gouverneur de Monastir, Khelifa
Jbeniani (qui a occupé ce poste de 2005 à la révolution), faisant des
affaires avec son fils, Mondher Jbeniani, son partenaire entre autre
dans l’acquisition du vaste terrain appartenant à l’Etat à Dekhila. Il
est également connu pour son business avec l’homme d’affaires Naceur
Makhlouf et son fils Kacem Makhlouf, actuel président de la coordination
de Nida Tounes à Monastir.
Ainsi tout s’explique, ses affaires
florissantes avec la nomenklatura de la dictature ayant été perturbées
par la révolution, il ne faut pas s’étonner dès lors, qu’il rêve de
restauration au point de commettre l’imprudence de s’afficher comme
plume mercenaire au service des vielles officines de l’ancien régime, en
reprenant à son compte exactement la même rhétorique et les mêmes
accusations mensongères à l’encontre des vrais démocrates.
À la liste de questions que pose
monsieurPhilippe Laurent, et dans lesquelles il s’embrouille faute de
rigueur, je n’y aurais consacré pas une seule seconde de mon temps,
sachant qu’il n’y a pas pire aveugle que celui qui ne veut pas voir.
Mais s’agissant de calomnies répétées de façon systématique depuis la
révolution pour brouiller mon image, j’apporte les éclaircissements
suivants à ceux qui veulent savoir la vérité; Ma réponse s’adresse en
fait à toutes les personnes qui sont de bonne foi et qui ont été
fourvoyées par ces désinformateurs professionnels.
1- Première intox : mon appui à la violence.
Je considère la violence comme le
principal obstacle à l’édification d’une société démocratique et je
lutterais toujours pour son extirpation des mœurs politiques ; c’est là
d’ailleurs le principal axe de mon travail au sein du CNLT actuellement.
Pour moi il n’y a pas une violence acceptable (la « nôtre ») et celle
intolérable (celles des « autres »), c’est pourquoi je l’ai toujours
dénoncée sous toutes ses formes et d’où qu’elle vienne; Je constate
malheureusement qu’elle s’est banalisée et certaines « élites » la
revendiquent ; cette posture a conduit certaines associations de la
société civile qui affichent leur rejet de principe, à s’en accommoder
lorsqu’elle les sert politiquement; j’en veux pour preuve leur silence
complice lors de l’agression verbale dont j’ai fait l’objet de la part
de
Béji Caied Essebsi
qui s’est permis d’user de propos orduriers à mon égard. De même
lorsque j’ai été agressée le jour de l’assassinat de Chokri Belaid. Ma
dénonciation de la violence est on ne peut plus claire entre autre lors
de ma prestation sur la
chaine Watanya2 le 7 février 2012.
Pour ma part, j’ai toujours dénoncé la
violence, qu’elle émane de l’autorité publique ou d’acteurs non
étatiques, comme certains groupes fanatiques radicaux et le laxisme des
autorités à leur égard. Ceux qui persistent à croire que je soutiens les
Ligues de protection de la révolution (LPR), je voudrais les renvoyer
entre autre à l’extrait de l’
interview que j’ai faite à la télévision allemande
DW le 12 décembre 2012 et également à
l’article
que j’ai publié le 22 octobre pour m’expliquer de l’erreur que j’avais
commise en assistant à l’un de leur meeting à Bab Souika le 21 octobre
2012, tout en précisant que mon discours a été un appel à condamner
l’assassinat de Lotfi Nagdh ; j’avais aussi précisé que je faisais alors
une confusion, comme beaucoup d’autres, entre LPR et les Comité
révolutionnaires (CPR) qui ont vu le jour au lendemain de la révolution
et où toutes les sensibilités étaient représentées. ; J’ai également été
très claire sur la responsabilité du gouvernement dans les attaques
contre les
Zaouias le 31 janvier 2013 sur la chaine Ettounissya.
2e Intox : mon soutien inconditionnel au parti Ennahdha
Ce prétendu appui à Ennahdha a commencé par une intox affirmant que j’ai
voté Ennahdha et qui a été démenti par l’auteur de la publication; sur le premier mensonge on édifie un deuxième
:
j’aurais fait un voyage au Qatar avec Rached Ghannouchi qui m’aurait
récompensée par une subvention consistante (évoluant selon les partages,
chacun y allant de son fantasme de 8 000 à 800 000 TND). Ce voyage n’a
jamais eu lieu (mon passeport fait foi) tout comme les sommes
mirobolantes, sauf dans l’imaginaire de ceux qui l’ont inventé (le site
Tunisie numérique) et qui se sont abstenus de corriger leur intox malgré
mon démenti.
Ceux qui tiennent à me coller
l’étiquette veulent que je m’aligne sur l’un des pôles qui forment le
champ public très polarisé et m’appliquent la vielle formule de Ben Ali
« si tu n’es pas avec nous, tu es avec les autres » ; Le
« tout-sauf-ennahdha » avait ouvert la voie à la dictature du RCD.
Aujourd’hui je refuse la diabolisation de tout parti qui respecte les
règles du jeu démocratique. La démocratie, c’est le pluralisme, et
l’apprentissage de la démocratie, c’est d’abord l’acceptation de la
coexistence avec « ceux qui ne pensent pas comme moi ».
Je sais que cette indépendance, comme le
fait de garder la même distance à l’égard de ceux qui gouvernent et
ceux qui s’opposent, gêne beaucoup de monde. Mes critiques vont aux uns
comme aux autres lorsqu’elles se justifient. C’est dans cet esprit que
j’ai critiqué le gouvernement actuel lorsqu’il était tenté par la
posture de l’Etat-parti (le journal
Le Maghreb
du 12 décembre 2012) ou qu’il faisait preuve de laxisme à l’égard des
groupes violents et notamment lors de l’attaque de l’ambassade US et
contre les nominations par allégeance où j’ai été la première à réclamer
la
démission de Ali Laârayedh en septembre 2012.
On a souvent répété à souhait que
j’étais motivée par l’accès à des charges ministérielles alors que
j’avais clairement refusé ces offres lorsqu’elles se sont présentées (cf
l’interview dans
Express Fm
Février 2013 où j’ai clairement affirmé mon refus de rejoindre le
gouvernement Laaraydh). Mais j’ai critiqué de la même façon les postures
de l’opposition lorsqu’elles me paraissaient critiquables au regard de
la construction démocratique.
3e Intox : Désengagement de la cause des femmes et faux féminisme
Quant à mon prétendu « désengagement »
de la cause des femmes, je renvoie ceux qui veulent savoir à quelques
uns de mes articles qui vont démentir ces allégations, notamment et à
titre d’exemple ceux sur le
CSP et la « complémentarité », sur la
misogynie d’Etat, sur la
jeune fille violée ou
Amina.
A ce supposé désengagement fait pièce la
manipulation et l’instrumentalisation politique de la cause des femmes
qui devient une bannière dont on use pour engager des hostilités
politiques, posture aussi exécrable à mes yeux que la misogynie.
Les maîtres tunisiens des Hoax
“
Traître” et “prostituée”,
ce sont les maîtres mots que me réservaient les campagnes de calomnies
des officines de Ben Ali durant plus de 20 ans pour tenter de me
réduire au silence, mais ils ont échoué et ceux qui veulent reprendre
son flambeau échoueront de la même façon. Après la révolution, les
révélations d’une source principale de ces désinformateurs attitrés (
Abdelaziz Jeridi),
ont éclairé le public sur le fonctionnement de ces services spéciaux
qui obligeaient certaines plumes mercenaires à copier-coller des
articles prêts-à-publier pour calomnier des démocrates et atteindre à
leur honneur. Et
les campagnes
n’ont pas cessé même après la révolution. Je voudrais ici juste relever
une ambigüité : Ben Ali et ses orphelins m’ont toujours accusée de les
avoir trahis. Je pose une question de bon sens: quand ai-je jamais
promis fidélité à ces mafieux; au nom de quoi je leur devrais loyauté
alors que mon combat est à l’opposé du leur?
Mon silence ou leur autisme?
On me reproche mon supposé « silence »
et je leur reproche leur autisme ! C’est parce que je veux être à
distance des deux pôles que mon discours devient inaudible ; c’est parce
que je refuse de m’aligner qu’on me range malgré moi.
Ceci étant dit, il y a une vraie
divergence avec certains « démocrates » qui acceptent de s’aligner et de
s’éloigner des fondamentaux de la démocratie dans cette dure épreuve
que vit notre pays. Le manichéisme adopté par les deux camps laïc et
islamiste n’est pas mon choix. S’il y a quelque chose sur laquelle je
m’aligne c’est le processus démocratique et la démocratie. Oui je
soutiens tout ce qui va dans le sens de l’édification de la démocratie
et mon ennemi est la dictature. C’est la raison pour laquelle je
m’oppose à toute proposition qui cherche à créer le chaos et restaurer
l’ancien régime, comme je l’ai développé dans mon dernier
article.
J’ai défendu sans discontinuer le
processus démocratique malgré la conspiration du silence à laquelle j’ai
fait face de la part du complexe médiatico sécuritaire. Ce dernier
s’applique à faire le black-out sur mes prises de positions, et fait
pression sur les animateurs qui osent m’inviter dans les médias, au
moment même où il stigmatise mon prétendu silence, une méthode bien
rôdée du pompier pyromane.
Sihem Bensedrine
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