Au vu des tendances lourdes des cours mondiaux du pétrole et sur la base de l’accélération des données nationales en matière d’importations et de consommation interne, ce qui suit s’adresse à tous nos concitoyens, propriétaires souverains des ressources naturelles de l’Algérie, qui doivent savoir, maintenant, à l’heure des bilans, ce que le maintien de notre hyperdépendance aux hydrocarbures aura comme conséquences néfastes dans les deux à trois années à venir sur le quotidien de chacun.
Baisse inéluctable et accélérée de la production disponible à l’exportation
La démarche consiste à établir les conséquences de l’offre de pétrole sur les capacités de financement de l’économie nationale, à travers le volume des exportations disponibles après consommation nationale de produits pétroliers.
En effet, le modèle global d’équilibre offre-demande domestique est simplifié dans le cas algérien grâce aux hypothèses spécifiques à l’Algérie. La consommation algérienne de produits pétroliers est passée de 191 000 barils/j en 2000 (8,5 millions t/an) à 345 000 b/j en 2011 (15,6 millions t/an) soit un taux de croissance annuel supérieur à 7% (cf. BP statistics). Cependant, des taux bien supérieurs sont cités, voire annoncés, par les agences du ministère de l’Energie.
Ces taux, de 15 à 20%, sont très crédibles. Ils s’expliquent par l’utilisation du gasoil dans les boues de forage, lorsque le forage traverse des couches de sel (sur des centaines de mètres) ! Cette indétermination sur la consommation nationale de gasoil, pourtant facteur fondamental, est corroborée par deux phénomènes en apparence anodins :
- Dans le bilan énergétique Algérie, établi par l’Agence internationale de l’énergie, celle-ci mentionne des «erreurs statistiques» supérieures à 100% pour la consommation des produits pétroliers. Est-ce pour cela que Nabni parle de «phénomène Titanic» ?
- L’Algérie envisage de construire non pas une raffinerie, mais 5 raffineries de même capacité, ce qui ne s’est jamais vu dans le monde.
La seule explication réside dans les milliers de forages pour la production de gaz de schiste et toujours ce problème de gasoil !
L’évolution de la demande pour un taux de croissance annuel de 15 à 20% montrerait des valeurs encore plus inquiétantes. En Algérie, la moitié de la production provient des gisements propres à Sonatrach, avec des réserves de plus de 9 milliards de barils dont 7 pour Hassi Messaoud, l’autre moitié provient des gisements gérés par les associés étrangers, essentiellement Berkine, avec des réserves de 3 milliards de barils. Sur la base d’études Sonatrach (Beicip-Franlab) disponibles sur la Toile, durant la période 2000-2004, le taux de déplétion de l’ensemble des puits verticaux de Hassi Messaoud était égal à 8%.
Evolution des exportations potentielles à l’horizon 2020
En termes de tendance, les exportations de pétrole brut et de condensat connaîtront une diminution moyenne de 15,3%, soit 7,3 % pour la croissance de la consommation domestique et 8 % pour la déplétion des gisements et la gestion propre des associés. Gestion pour laquelle l’optimisation des gisements est différente selon l’Entreprise nationale et les intérêts du pays. Les exportations de brut et de produits raffinés ont atteint 1,18 million de tonnes par jour en 2011.
Un léger plateau sera observé du fait de l’entrée en production tardive du gisement d’El Merck (Hassi Berkine), découvert durant la décennie 1990. Mais durant les prochaines années, ces 100 000 barils/jour auront peu d’influence sur le Trésor algérien, car les recettes d’exportation serviront d’abord à rembourser les coûts de recherche et d’exploitation estimés à plusieurs milliards de dollars.
Endettement de l’état et faillite programmée
Le scénario de base correspond à un prix de 100 dollars/baril et une croissance annuelle des importations de +30 %. Dans cette option — la moins sévère — le solde de la balance des transactions courantes (biens + services) devient négatif dès 2014 et le gouffre des déficits atteint 50 Mds de dollars dès 2018.
Le Fonds de régulation (FRR) disparaîtra dès 2017 et l’Algérie devra faire des choix budgétaires sévères et impopulaires : plus de subventions, licenciements de fonctionnaires et d’employés des EPE, réduction drastique des investissements. Le scénario 80 dollars/barils est possible et correspond à l’option «catastrophe» pour l’Algérie, avec le retour du pétrole de l’Irak puis de Libye, du condensat et des GNL iraniens et américains, etc. Ce scénario précipiterait l’Algérie dans un «trou noir» sévère et quasiment irréversible.
Le FRR disparaîtrait dès 2015 et le prix de 80 dollars/baril, s’il se produisait durablement, constituerait, dès 2014, un choc financier très lourd. Globalement, l’Algérie verra son FRR s’annuler dès 2015 avec le taux actuel (+30%) de croissance des importations et en 2016 si elle parvient à réduire d’un tiers ce taux de croissance. Elle sera en situation d’endettement et atteindra dès 2016 le double de l’endettement de 1994, mais chaque année notre pays verra son endettement augmenter de 62 milliards de dollars, atteignant les 200 milliards dès 2018 !
Endettement bien plus lourd si nous avions pris en compte les importations de gasoil, les éoliennes, les panneaux solaires et tous les équipements des énergies renouvelables à subventionner jusqu’en 2025, car non rentables. Soit une centaine de milliards de dollars à ajouter à ces montants abyssaux.
Analyse du profond déséquilibre du budget de l’état
Nous avons simulé les principaux agrégats macroéconomiques, sur la base des données du FMI (2006-2010). Pour les projections futures, nous nous sommes basés sur les prévisions d’exportation et sur un taux nominal de +5% pour les autres agrégats. Dès 2015, la fiscalité pétrolière ne représenterait plus que 19 milliards de dollars, soit 24% du budget 2015 et 40% du budget de fonctionnement. Le déficit budgétaire serait de 35 milliards de dollars, soit un taux de 57% de déficit, contre 3%, qui constitue la norme de gouvernance (Union européenne, autres pays OCDE). Ce scénario catastrophique est très vraisemblable et serait marqué par un déficit énergétique avant 2020, un déficit fiscal avant 2015 et un déficit de la balance des paiements avant 2015. Ce scénario est parfaitement envisageable en cas de survenance d’une découverte technologique majeure «break through» qui viendrait réduire le coût des hydrocarbures marginaux, lesquels coûts évoluent actuellement entre 50 et 80 dollars le baril. Mais ce scénario d’effondrement des prix serait pire que le scénario algérien de 1994 car contrairement à 1994, l’Algérie n’aurait plus aucune issue de secours.
Transition énergétique
Contrairement aux autres pays, tels l’Indonésie et les USA, qui disposent d’une économie diversifiée et de ressources alternatives (hydraulique, gaz, charbon), les Algériens se verront confrontés sous peu à la fin des exportations pétrolières.
Cette interruption devrait avoir lieu dans une huitaine d’années et plongerait l’Algérie dans un cauchemar décennal (2019-2030) durant lesquelles elle n’aurait plus aucune rentrée de devises, conséquence de la fin des exportations pétrolières, et ce, en dépit d’exportations gazières et de condensat associés de manière limitée dans le temps. Avec 25% de la fiscalité d’hydrocarbures, ces exportations gazières ont un impact limité en matière de fiscalité hydrocarbure et gardent un rôle complémentaire dans le financement du budget de l’Etat, idem en matière d’exportations pourvoyeuses de devises.
En l’absence de production pétrolière productrice de fiscalité, l’Algérie connaîtra avant 2020, et sans l’ombre d’un doute, la grave situation suivante que provoquera la suppression totale de la fiscalité pétrolière. Donc aucune source de financement du budget de développement avec un budget de fonctionnement financé à moins de 50%.
Concrètement, cela signifie : des fonctionnaires sans salaire ou licenciés, suppression des subventions des produits de première nécessité, hausse du prix à la pompe des carburants (ex : le diesel à 150 DA/litre min, soit un plein de 40 litres à 6000 DA), eau et électricité inaccessibles aux foyers à faible revenu (retour à la bougie et au charbon de bois). Plus grave encore, absence de subventions du secteur public économique, absence d’emploi, suppression des budgets santé, éducation. Enfin, remise en cause de la protection sociale (familles à revenu modeste, moudjahidine, retraités).
La stabilité du taux de change du dinar est essentiellement assurée par nos exportations pétrolières, d’où le risque qui pèse sur les prix des biens et services importés, c’est-à-dire de presque toute la consommation algérienne publique et privée.
Si les choses devaient rester en l’état (scénario «Business As Usual»), comprendre en l’absence de changements majeurs et drastiques, l’Etat algérien se trouvera en situation de cessation de paiement. Situation pire qu’en 1994. L’Etat n’aura plus de pétrole à exporter pendant au moins une douzaine d’années, et ce, en l’hypothèse salvatrice d’une découverte majeure, qui ne donnerait le «first oil» qu’à l’horizon 2030 dans le meilleur des cas.
Il n’existe qu’une seule option pour échapper à ces tsunami et à ce trou noir : une «transition énergétique» assise sur une «transition démocratique» forte pour affronter les causes réelles : consommation domestique excessive, subventions, importations, relance de la croissance économique, emploi. Sans négliger le report à après 2025 des mesures cosmétiques inopportunes, telles que l’exploitation des énergies renouvelables et des gaz de schiste, car non rentables.
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