Présentée comme réformatrice, la loi de 2012 est un obstacle pour les groupes indépendants
La nouvelle loi maintient l'exigence d'une autorisation préalable pour qu’une association algérienne reçoive des fonds étrangers, mais ajoute une nouvelle exigence qu'il y ait un accord de coopération préexistant. Les membres de plusieurs organisations ont déclaré à Human Rights Watch que l'administration impose des procédures fastidieuses pour cette autorisation, ce qui les oblige à choisir soit d’opérer en marge de la loi soit de renoncer aux subventions étrangères dont elles ont besoin pour fonctionner efficacement.
Par exemple, la Ligue pour la sauvegarde et la protection des jeunes et des enfants, basée dans la ville de Tizi Ouzou, a demandé en vain l'autorisation de recevoir un financement de l'Agence catalane de coopération et de développement et de l'Union européenne pour des projets visant à réduire la violence contre les enfants et les femmes, en avril 2012 et janvier 2013, respectivement. Mais l'autorisation n'a jamais été délivrée, contraignant le groupe à réduire ses activités à un niveau minimum, a expliqué Ouisa Kebbas, la secrétaire générale du groupe.
Plus récemment, en octobre 2012, les autorités ont refusé d'inscrire l'Association algérienne de lutte contre la corruption, ne fournissant aucune justification de la décision, a déclaré Halim Feddal, le secrétaire général adjoint de l’association.
Le ministère de l'Intérieur indique sur son site internet que 1 027 associations nationales et 92 627associations locales sont légalement inscrites en Algérie. Mais un grand nombre d’associations dont le mandat ou les actions déplaisent aux autorités indiquent qu'elles ont fait l’objet de mesures administratives arbitraires visant à entraver leurs activités.
Dans le sillage des manifestations en faveur de réformes dans les pays arabes, en avril 2011, le président Bouteflika a promis des réformes radicales, notamment des amendements à la Constitution ainsi qu’aux lois sur les élections, les partis politiques, les associations et les médias. Toutefois, la nouvelle loi sur les associations, adoptée par le parlement le 12 janvier 2012, a représenté un retour en arrière pour la liberté d'association.
L'article 8 de la nouvelle loi stipule que l'autorité administrative compétente délivre un « récépissé de dépôt obligatoire » « sur place » après vérification des documents présentés par l’association. La loi ne donne aucun pouvoir discrétionnaire aux autorités de refuser d'accepter les documents ou de refuser de délivrer le récépissé pour les documents. L'administration dispose ensuite d'un délai déterminé pour décider d'autoriser ou non que l'inscription entre en vigueur – 30 jours pour une association locale (communale), 40 jours pour une association à l'échelle provinciale, 45 jours pour les associations interprovinciales et 60 jours pour les associations nationales.
La loi de 2012, dans l'article 70, exige des organisations régulièrement constituées en vertu de la loi précédente qu’elles soumettent à nouveau leurs statuts à l'administration dans les deux ans après l’entrée en vigueur de la nouvelle loi sous peine de dissolution. La loi ne précise pas si elles doivent également attendre le nouveau récépissé d'enregistrement afin de continuer à fonctionner légalement.
Abdelwahab Farsaoui, secrétaire général de Rassemblement Action Jeunesse, créé en 1992 pour mobiliser les jeunes autour des questions de démocratisation, de droits humains et de citoyenneté, a décrit les obstacles auxquels l’association a été confrontée quand elle a essayé de se conformer à la nouvelle loi :
Bien que nous soyons opposés à la loi, nous avons voulu nous y conformer. Nous avons donc réservé la salle de conférence du centre culturel Ezzedine Mjoubi à Alger pour tenir notre assemblée générale le 28 juin 2013. Nous avons envoyé une demande d'autorisation au ministère de l’Intérieur deux semaines avant cette date mais n'avons reçu aucune réponse. Le 28 juin, nous avons déposé une autre demande auprès de la Direction de la Réglementation et des Affaires Générales (DRAG) afin de tenir notre réunion le 5 juillet au même endroit.
Le 4 juillet, à 16h40, j'ai reçu un appel téléphonique de la DRAG nous annonçant le refus de notre demande, sans explication. Nous avons également essayé de téléphoner à la direction des associations au ministère de l'Intérieur en vain. Nous avons finalement décidé de tenir notre assemblée générale le 29 septembre dans nos locaux, ce qui ne nécessite pas d'autorisation préalable. Nous avons organisé la réunion avec la présence d’un notaire, tel que requis par la loi, et nous avons envoyé les nouveaux statuts par courrier recommandé au ministère de l'Intérieur. Cependant, à ce jour, le ministère ne nous a livré ni le récépissé de dépôt ni aucune forme de réponse.
Selon la nouvelle loi, nous devons tenir une « assemblée générale » afin d'adopter de nouveaux statuts conformes à la loi. Toutefois, pour tenir une telle assemblée générale dans une salle de conférence publique, un hôtel, ou tout autre espace public, vous devez informer les autorités à l'avance. Comme pour ce qui est arrivé dans le passé, les autorités ont refusé de nous donner une telle autorisation. Nous avons déposé auprès du ministère de l'Intérieur, à la fin de novembre 2013, une demande pour tenir notre assemblée générale au Centre Culturel Al Moujahidine à Alger, les 6 et 7 décembre. Le 5 décembre, le département du ministère en charge des associations nous a informés de leur refus, nous avons donc décidé de tenir notre réunion dans les locaux d'un parti politique, le Mouvement démocratique et social.
Cependant, nous ignorions encore ce qu'il fallait faire pour présenter les nouveaux statuts. Nous voulions les soumettre en mains propres à la direction des associations du ministère de l'Intérieur. Cependant, pour cela, nous devons prendre rendez-vous et ils n'ont jamais répondu au téléphone. Nous avons donc décidé de les envoyer par courrier recommandé. À ce jour, nous n'avons pas reçu le récépissé de dépôt ni aucune réponse de la part du gouvernement.
À l'époque, nous avions besoin de toute urgence du récépissé du gouvernement pour l'enregistrement de notre association afin de pouvoir ouvrir un compte bancaire, parce que nous avions reçu une subvention de l'ambassade du Canada et ils exigeaient que nous ayons un compte bancaire au nom de l’association. En 2000, nous avons préparé un autre dossier de documents de déclaration, cette fois en tant qu’association fonctionnant à l'échelle provinciale plutôt qu’au niveau national, et l’avons soumis au gouverneur d'Alger, qui nous a donné un récépissé de dépôt.
Je suis allé à la DRAG afin de vérifier la procédure de dépôt des nouveaux statuts. Nous avons donné au fonctionnaire responsable notre récépissé de dépôt que nous avions reçu en 2000. Le fonctionnaire a pris le récépissé, a quitté le bureau pour un moment, puis est revenu et a déclaré : « Nous n'avons pas votre nom comme une association inscrite légalement. » Je lui ai dit que c’étaient eux qui nous avaient donné le récépissé de dépôt et que le récépissé portait le sceau de la province d'Alger et la date. Cependant, le fonctionnaire a affirmé que puisque nous n'existions pas officiellement, nous ne pouvions pas présenter de statuts de conformité à la loi, mais devions plutôt soumettre des statuts pour créer une nouvelle association. Maintenant, nous ne savons plus si nous sommes légaux ou illégaux, si nous pouvons continuer à travailler et à organiser des événements ou si tout ce que nous faisons est illégal.
Rejet arbitraire des demandes et rétention des récépissés de dépôt
Les autorités notifient parfois de nouvelles associations d'un refus de les légaliser, comme dans le cas de l'Association nationale de lutte contre la corruption (ANLC). Halim Feddal, secrétaire général adjoint de l’association, a déclaré à Human Rights Watch :
Nous avons organisé notre assemblée générale constitutive le 7 juillet 2012. L'association est composée de 28 membres. Le 9 août 2012, nous avons déposé la demande d'enregistrement au bureau d'inscription général du ministère de l'Intérieur. Nous nous sommes conformés aux exigences de l'article 12 de la nouvelle loi en fournissant deux copies certifiées conformes des statuts de l'association, la demande officielle d'enregistrement signée par son président, la liste de ses membres et les informations pertinentes à leur sujet, leurs antécédents judiciaires, le procès-verbal de l'assemblée générale constitutive dûment établi par un notaire et la preuve documentaire de l'adresse de l'organisation.
Le ministère de l'Intérieur nous a envoyé, le 29 octobre 2012, une notification de son refus de nous inscrire, sans expliquer le motif du refus ni fournir des recommandations sur ce qui devrait être changé dans les statuts. Nous avons fait appel devant le tribunal administratif d'Alger dans le délai légal de 30 jours. Cependant, le tribunal administratif s'est déclaré incompétent sur l’affaire le 1er janvier 2013, affirmant que le Conseil d'État (la plus haute juridiction administrative du pays), avait compétence. Depuis, nous avons déposé une plainte devant le Conseil d'État et nous sommes toujours en attente de sa décision.
La pratique consistant à refuser sélectivement de délivrer des reçus de dépôt est antérieure à la nouvelle loi, comme l’illustre le cas de SOS Disparu(e)s. Depuis sa fondation en 2002, SOS Disparu(e)s a cherché, sans succès, à effectuer les procédures prévues pour l'obtention du statut juridique. Nassera Dutour, mère d’Amine Amrouche, qui a « disparu » en 1997 près de son domicile à al-Baraqi, dans la province d'Alger, a déclaré qu’en 2002, SOS Disparu(e)s a organisé une assemblée générale et a déposé les documents requis par la loi sur les associations, alors en vigueur. Cependant, l'association n'a reçu ni le récépissé de dépôt au moment du dépôt des documents, ni un récépissé d'enregistrement. SOS Disparu(e)s a tenté à plusieurs reprises d'obtenir un reçu du ministère de l'Intérieur, selon Nassera Dutour :
Je n'ai pas essayé de déposer une autre demande en vertu de cette nouvelle loi parce que je sais que compte tenu de mes tentatives précédentes pour enregistrer mon association, toute tentative sera inutile. En 2002, quand nous avons essayé d'enregistrer à la municipalité la branche d'Alger de l'association, ils sont restés assis en face de nous avec les bras croisés et ont refusé de toucher à nos papiers. Ainsi, nous n’avons pas pu obtenir de reçu indiquant que nous avions présenté les documents. Ils disent toujours qu'ils doivent recevoir les « ordres d'en haut » avant d'accepter notre dossier.
Nous avons également essayé de soumettre l'enregistrement de notre branche locale par courrier recommandé. J'ai le récépissé prouvant que je l’ai envoyé, mais pas l’accusé de réception indiquant qu'ils l’ont reçu.
La dernière fois que j'ai essayé, c’était en février 2010. J'ai téléphoné au ministère de l’Intérieur et, comme de nombreuses fois auparavant, ils m'ont transférée à un certain fonctionnaire dont je crois qu’il travaille dans la section traitant les ONG et les associations. Il m'a dit : « Mais le problème des « disparitions » a été résolu. » Je lui ai répondu que ce n'est pas à lui d’en décider et que ce n'est pas son affaire puisque j'ai le droit d'enregistrer une ONG. Mais quand je demande un rendez-vous, il dit qu'il va me rappeler et ne le fait jamais. Cela s'est produit à plusieurs reprises.
Nous sommes également allés au ministère de la Solidarité pour solliciter leur appui afin que nous puissions progresser avec le ministère de l’Intérieur. Ils nous ont juste conseillé de changer le nom de l’association, en disant que cela faciliterait l’enregistrement.
SOS Disparu(e)s n’a pas de statut juridique. Nous ne pouvons pas ouvrir de compte bancaire au nom de l'association ni enregistrer ses employés afin qu'ils puissent bénéficier de la sécurité sociale et de la retraite. Nous n'avons pas non plus la qualité pour déposer des plaintes devant les tribunaux. Quand nous louons un bureau, ou nous inscrivons pour les services publics, tout doit être fait au nom d'une personne.
Le programme de SOS Disparu(e)s va à l'encontre de la politique de l'État telle qu'elle est exprimée dans la loi de 2006 sur la Paix et la réconciliation nationale. Cette loi offre une compensation aux familles des disparus, mais offre l'amnistie pour les agents de l'État complices de disparitions, et criminalise tout propos ou activité relative au conflit des années 1990 qui « porte préjudice » aux institutions de l’État, à « la bonne réputation de ses agents » ou à « l'image de l'Algérie à l'échelle internationale. » Certains des membres de SOS disparu(e)s ont appelé à ce que les responsables de la disparition forcée d’Algériens durant la guerre civile des années 1990 soient tenus de rendre des comptes.
Restrictions sur la tenue des réunions publiques
La loi 89-28 sur les réunions et manifestations publiques, promulguée en 1989, au plus fort de la libéralisation politique et juridique, a été modifiée par le Parlement en 1991, lorsque le pays a connu des manifestations massives et des affrontements parfois violents entre les manifestants anti-gouvernementaux et les forces de sécurité. Les autorités ont imposé une interdiction générale des manifestations à Alger le 18 juin 2001, quatre jours après une gigantesque marche mettant l'accent sur les droits du groupe ethnique Amazigh, ou Berbère, qui a attiré des participants de partout dans la région de Kabylie, de majorité amazigh, et qui a abouti à des pillages de magasins et des affrontements entre la police, les manifestants et les jeunes locaux. Les autorités n'ont pas abrogé l'interdiction quand elles ont aboli en 2011 l'état d'urgence en place depuis 19 ans.
La loi de 1991 a réduit de manière significative le droit de se rassembler et de tenir des réunions, et limite donc la capacité de fonctionnement des associations. La loi de 1991 oblige les organisateurs de toute réunion publique à informer le gouverneur trois jours avant la réunion. L'administration peut interdire le rassemblement « en informant les organisateurs qu'il semble créer un risque réel de trouble de l’ordre public, ou qu’il semble manifeste que le but réel de la réunion constitue un danger pour la préservation de l'ordre public. » Les autorités ne sont pas tenues d’expliquer la décision.
La loi précise qu'il est « interdit à toute réunion ou manifestation de s'opposer aux ‘constantes nationales’, ou « de porter atteinte aux symboles de la révolution du 1er novembre [date du commencement de la guerre d'indépendance algérienne vis-à-vis de la puissance coloniale française], à l'ordre public ou la moralité publique. » Les organisateurs peuvent faire appel d'une décision négative de l'administration devant un tribunal administratif. La loi définit une « réunion publique » comme un rassemblement dans un espace clos accessible au public, loin des voies et des espaces publics extérieurs, « dans le but de défendre des intérêts communs ou d’échanger des idées. »
La pratique établie depuis longtemps de l'administration lorsqu’elle veut interdire une réunion, ont affirmé plusieurs groupes, est d'informer à la dernière minute les organisateurs du refus de les autoriser à tenir la réunion, ne leur laissant pas le temps de faire appel devant un tribunal administratif avant le commencement prévu de la réunion.
Le gouvernement a récemment envoyé une note ministérielle aux autorités régionales leur demandant de consulter le ministère de l'Intérieur avant d'accorder toute autorisation de tenir des réunions pour 19 organisations répertoriées, notamment la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme. L’ordre, que Human Rights Watch a examiné, est signé par le chef de cabinet du ministère de l'Intérieur et daté du 8 janvier 2014. Le ministère justifie cette mesure en se référant à des conflits internes au sein des organisations énumérées.
Mehrez Bouich, vice-président de la Ligue, a déclaré à Human Rights Watch que le 7 février 2013, il s’est rendu à la DRAG de la province de Béjaïa pour demander l'autorisation d'organiser un forum d'associations dans la salle de conférence de l'Hôtel Le Royal à Béjaïa le 9 février. Les fonctionnaires de la direction lui ont déclaré qu'ils ne sont plus autorisés à permettre les réunions de l’organisation sans avoir obtenu au préalable l'autorisation du ministère, a-t-il confié.
Suspension arbitraire des associations
En vertu de la loi 2012 sur les associations, les autorités peuvent dissoudre une association légalement constituée ou suspendre ses activités en cas « d’ingérence dans les affaires internes du pays ou d’atteinte à la souveraineté nationale » (article 39). Ceci diffère de la loi de 1990, qui exigeait la décision d'un juge afin de suspendre une association.
L’Association des résidents de Canastel (ARC), dédiée à la protection de l'environnement et en particulier la forêt de Canastel dans la ville d'Oran, a été confrontée à la suspension après s’être opposée aux décisions du gouverneur d'autoriser la construction dans la forêt de Canastel. Le secrétaire général adjoint de l'association, Adel Taibi, a expliqué à Human Rights Watch que l’association a déposé une plainte en juin 2013 devant le tribunal administratif d'Oran pour lui demander d'ordonner un arrêt de la construction sur la forêt. Le 24 juillet, le gouverneur d'Oran a envoyé à l'association une notification de suspension de six mois stipulant qu'elle avait « enfreint la loi en s’ingérant dans les affaires internes de l'État. » Adel Taibi a déclaré :
Nous avons déposé un recours devant le tribunal administratif d’Oran contre la décision du gouverneur de nous suspendre. Le 1er septembre, le tribunal a statué contre le gouverneur, déclarant qu'il n'avait pas suivi la procédure prévue à l'article 41 de la nouvelle loi, qui requiert que l’administration, avant toute suspension, adresse un avertissement à l'association de se conformer à la loi. Depuis lors, nous n'avons eu aucun problème avec le nouveau gouverneur et nous avons fonctionné sans perturbation.
La législation précédente permettait aux associations algériennes de recevoir des dons d’organisations étrangères une fois que les autorités avaient approuvé leur demande. La Loi 12-06 ajoute une autre condition préalable, en disant que, « en dehors des relations de coopération dûment établies », il est interdit aux associations algériennes de recevoir des dons, des subventions, ou tout autre type de contribution « des légations et organisations non gouvernementales étrangères. » La loi ne définit pas ces accords de coopération. Cela limite l'accès des associations à l'aide étrangère, qui est souvent primordiale pour leur fonctionnement.
Ouisa Kebbas, secrétaire générale de la Ligue pour la sauvegarde et la prévention de la jeunesse et de l'enfance, une association à Tizi Ouzou qui a reçu son inscription légale en 2003, a déclaré à Human Rights Watch :
Nous avons travaillé depuis 2003 dans le domaine de la prévention de la violence contre les femmes et les enfants. Nos programmes comprenaient une hotline et un centre d’assistance, « Repère Lewhi », pour les enfants et les femmes victimes de violence, où nous avions plusieurs médecins et psychologues. Nous avions l'habitude de recevoir un financement de l'Union européenne. Nous n'avions jamais demandé d’autorisation, nous avons simplement informé les autorités du financement et présenté nos relevés financiers conformément à la loi.
Avec la nouvelle loi, les choses ont commencé à changer. Nous avons reçu un financement de l'Agence catalane de coopération et de développement pour notre centre. Le 3 avril 2012, nous avons envoyé une lettre au gouverneur demandant l'autorisation de recevoir l'argent. Nous n'avons pas reçu de réponse. Après un mois, je suis allée voir le directeur de la DRAG de Tizi Ouzou. Il m'a déclaré que notre association devait fournir la preuve de l'accord de coopération entre l'Algérie et l'Espagne. J'ai demandé à mon partenaire espagnol de rechercher le document car je ne pouvais pas y accéder par le biais de l'administration algérienne. Le partenaire nous l’a envoyé et nous avons à nouveau déposé la demande d'autorisation de financement avec les documents requis auprès du gouvernorat, des ministères de l'Intérieur et des Affaires étrangères. Nous n'avons reçu de réponse d'aucune de ces administrations.
En janvier 2013, l'Union européenne a approuvé le financement de l’un de nos projets appelé Ensemble pour mieux agir, destiné à la formation et au renforcement des capacités des militants de la société civile afin de combattre la violence contre les enfants. La même chose s'est produite ; le directeur de la DRAG nous a demandé de fournir l'accord de partenariat entre l'Algérie et l'Union européenne. Ensuite, nous l’avons déposé ainsi que tous les documents auprès des trois mêmes administrations, et nous avons attendu une réponse qui n’est jamais venue. Le refus d'autoriser le financement nous a empêchés de recevoir l'argent alloué par notre partenaire catalan et par l'Union Européenne, et a abouti à la réduction de près de 80 pour cent du travail de notre centre, étant donné que nous n’avions plus les moyens de payer les salaires des travailleurs sociaux.
Le droit à la liberté d’association, et les seuls motifs pour lesquels il peut être restreint, sont énoncés dans l'article 22 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), ratifié par l'Algérie en 1989 :
« (1) Toute personne a le droit de s'associer librement avec d'autres, y compris le droit de constituer des syndicats et d'y adhérer pour la protection des ses intérêts.
(2) L'exercice de ce droit ne peut faire l'objet que des seules restrictions prévues par la loi et qui sont nécessaires dans une société démocratique, dans l'intérêt de la sécurité nationale ou de la sûreté publique, de l'ordre public, ou pour protéger la santé ou la moralité publiques ou les droits et les libertés d'autrui. Le présent article n'empêche pas de soumettre à des restrictions légales l'exercice de ce droit par les membres des forces armées et de la police. »
Aucune autre limitation que celles mentionnées ci-dessus n’est autorisée en vertu de l'article 22 (2) du PIDCP. Par exemple, les procédures pour la reconnaissance des associations ne doivent pas être trop lourdes au point de constituer des restrictions importantes du droit à la liberté d'association. Cela a été clairement exposé par le Comité des Nations Unies pour les droits de l'homme, l’organe qui émet les interprétations définitives du PIDCP, par exemple, dans ses observations finales sur les procédures d'enregistrement onéreuses pour les associations non gouvernementales en Biélorussie et en Lituanie.
L'article 10 de la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples stipule que « Toute personne a le droit de constituer librement des associations avec d'autres, sous réserve de se conformer aux règles édictées par la loi. » La Commission africaine des droits de l'homme et des peuples, dans sa résolution 5 (XI) 92, sur le droit à la liberté d' association (1992), a estimé que « les autorités compétentes ne devraient pas outrepasser les dispositions constitutionnelles ou saper les droits fondamentaux garantis par la constitution et les normes internationales » et que « [l]ors de la réglementation de l'utilisation de ce droit, les autorités compétentes ne devraient pas édicter des clauses qui limitent l'exercice de cette liberté. »
Le rapporteur spécial sur les droits à la liberté de réunion pacifique et d'association, dans son rapport thématique de 2012 au Conseil des droits de l'homme de l’ONU, déclare que « la procédure pour créer une association en tant qu'entité juridique varie d'un pays à l'autre, mais il est essentiel que les responsables gouvernementaux agissent de bonne foi, en temps opportun et sans discriminations. »
Le rapporteur spécial fait remarquer en outre qu'une « procédure de notification » pour les associations est plus conforme au droit international des droits humains qu'une « procédure d'autorisation préalable », et devrait être mise en œuvre par les États. « En vertu de cette procédure de notification, les associations bénéficient automatiquement de la personnalité juridique dès que les autorités sont informées par les fondateurs que l'association a été créée. Dans un grand nombre de pays, cette notification est faite par une déclaration écrite contenant un certain nombre d’éléments d'information clairement définis dans la loi, mais ce n'est pas une condition préalable à l'existence d'une association. Il s'agit plutôt d’une soumission par laquelle l'administration enregistre la création de ladite association. »
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