1. Pathétique, le hurlement du Forum des Chefs d’Entreprise : espèce locale du Loup de Vigny,
en sus (là, n’en doutons pas) d’une entité prosélyte ? Son « Nouveau
Pacte de Croissance Economique » a tout d’une profession de foi mystique
et religieuse, mais R.Hamiani nous somme quand même de croire que :
« Il n’y a pas, au FCE, de parti pris idéologique ou doctrinaire. Son unique préoccupation est la défense de l’entreprise et de l’économie algériennes ».
Soit. Ainsi Soit-Il. Amen. Mais est-ce vraiment le cas ? La
mobilisation de deux abstractions (« l’entreprise / l’économie »)
s’accompagne d’un référent identitaire (« algériennes »). Le patriotisme
a bon dos (« consommons algérien », dit aussi le FCE). Dans la même
veine d’un patriotisme qui serait non idéologique et non doctrinaire, le
FCE recourt paradoxalement au symbolisme à tout crin. « 50 »
propositions : forme de « Chiffre Sacré » (R.Guénon). Allusion à l’âge d’une indépendance collective chèrement acquise. Les algériens sont à prendre par le foie (mais, comme nous le verrons, il y a ratage). Parallèlement, le FCE « affiche » ou « annonce » [comme au poker, plutôt que pour adopter le ton austère et pondéré de l’œuvre de J. Von Neumann et O.Morgenstern intitulée « Théorie des Jeux et Comportement Economique »]
qu’il s’enticherait de Rationalité Economique Pure : forme de
scientisme censée servir l’intérêt-général, agrémentée de patriotisme.
Absurde résurgence du fameux slogan « l’Electricité + le Soviet » ?
Peut-être. Mais, idéologie décontextualisée, c’est sûr ! Pourtant :
R.Hamiani : « Le symposium qu’il [c’est-à-dire « le FCE »] a organisé sous la direction de son président d’honneur, Omar Ramdane, a été conçu et préparé par des universitaires et des chercheurs spécialisés. Le diagnostic qu’ils ont établi et soumis au débat résulte d’un travail d’analyse et d’évaluation long et objectif et dont le contenu est pour une partie connu par tous ceux qui suivent attentivement l’actualité économique nationale ».
2. Quoi qu’il en soit des contradictions implicites, mais non
moins manifestes, du FCE, nul doute ne serait à avoir : l’auguste
instance patronale voguerait au large des « idées générales » et des
« logiques d’affrontement ou de confrontation ». Le FCE n’envisage même pas qu’on puisse légitimement pratiquer la « confrontation démocratique ». A l’en croire, l’efficacité matérielle serait concevable sans efficacité sociale
(i.e sans impact sur les hiérarchies sociales et politiques, sans
cruciaux enjeux de pouvoir, sans rapports de dominés à dominants).
L’application des « 50 propositions » servirait l’avènement miraculeux
d’un ordre purement économique, neutre idéologiquement parlant,
incolore, inodore et, surtout, indolore : FOI DU FCE, et de ses
« spécialistes » de Think Tank. Ces derniers auraient dégagé, par leur
investigation chirurgicale (d’une « actualité » purement « économique »
et « nationale »), un sens que « tous ceux qui suivent attentivement »
la même « actualité économique nationale » (autant dire tous les
citoyens éveillés) ne peuvent, de fait, appréhender qu’en « partie »
seulement ! Rien que ça. Chassez la suffisance de riches qui rechignent
à muer d’eux-mêmes, sans assistanat, en classe conquérante, et à en
assumer les douleurs, elle reviendra au galop.
3. C’est dommage pour les patrons regroupés sous la houlette
du FCE, et pour ceux qui estimeraient qu’un franc capitalisme industriel
serait « plus raisonnable » (E.Todd),
dans notre monde contemporain, qu’un système social du genre mi-figue
mi-raisin. Pour ma part, j’en resterai à une seule posture : celle d’une
personne convaincue de la prévalence, chez nous, d’un sadomasochisme
généralisé. Victimes et bourreaux y tournent en rond en se tirant mutuellement par la barbichette. E.Fromm
considère que « la peur de la liberté » est le moteur de ce type de
vortex ricanant. Elle sévirait dans les périodes de transition
sociétale, d’un stade Ancien vers un Nouveau. Comme les anciennes formes
d’organisation offrent repères connus et sécurité, et que tout
changement engage vers l’inconnu, impliquant coûts et choix,
la peur s’installe. Mille façons de s’empester mutuellement l’existence
prennent le dessus sur le souci de vivre ensemble de façon supportable.
Chez nous, la pléthore des indispositions à parler sensément, franc,
vrai et publiquement (au moins ça) a tout de ce type de réalités
semeuses de souffrances. Du vaste magma des onéreuses déblatérations
montent de nauséabondes vapeurs d’hypocrisies et d’incohérences
épistémologiques, et l’on nous intime quand même de ne pas prendre ces
choses au sérieux. Cette insulte à la conscience et à l’intelligence
humaines proférée, le FCE s’arroge le droit de donner pour vocation, à
l’Université Algérienne, de ne servir que la nébuleuse des intérêts vénaux (ce n’est pas péjoratif) d’un « monde » (concept fabriqué par l’Ecole de Chicago)
de « l’entreprise » on ne peut plus nébuleux lui aussi. L’Université
Algérienne devrait se résoudre, la queue entre les jambes, à appréhender
tout ce qui est de son ressort par le seul prisme du « profit » (pas
une fois le FCE n’use d’ailleurs de ce mot, ce qui est suspect) et,
surtout, conformément à la vision à œillères (aseptisée) que le FCE
semble s’en faire.
4. A trop mépriser l’idéologie, l’on prête
fatalement flanc à l’influence de l’une ou l’autre des idéologies en
vogue à l’échelle des débats, désormais planétaires et mondialisés, sur
« la croissance économique ». R.Hamiani dit : « Le pétrole est un voile qu’il faut lever ». Cette expression (« lever le voile ») est à remplacer par le substantif « Apocalypse ». Le dictionnaire Littré explique que ce mot réfère au « Livre Canonique qui contient les révélations faites à St Jean
dans l’île de Patmos ». Le mot Apocalypse (du grec) signifie
« dé-cacher autrement dit, découvrir, révéler ». La mièvrerie
intellectuelle du FCE nous embarque-là — naïvement ? — vers les récifs
périlleux de Sirènes à Soutanes que la Mythologie Grecque, elle-même,
n’a jamais inventées. Belle performance : c’est ce qui arrive quand on
veut parler comme la pierre.
Dans la chrétienté, les révélations faites à St Jean
dans l’île de Patmos sont l’objet de deux interprétations différentes.
La première (vision cataclysmique) mobilise les chrétiens en titillant
en eux des peurs ancestrales : celles des monstres et des fléaux. La
seconde interprétation de l’Apocalypse fut développée notamment, à ma
connaissance, par St Augustin.
Serait-ce un hasard que l’influence implicite de ce penseur universel
et de souche algérienne puisse se nicher, en 2012, dans les mots de R.Hamiani ? St Augustin s’insurgea contre la première version. Il expliqua que les révélations faites à St Jean contenaient au contraire un message de paix à l’adresse des « chrétiens persécutés ». Ceux-ci devaient donc « se réjouir » au contraire (et non pas, avoir peur) puisque l’Apocalypse serait l’Heure où Dieu se révèlerait enfin à eux. De façon plus profane, St Augustin (prélat, mais aussi, philosophe) signifiait que lorsqu’on parle avec des symboles, on laisse l’homme libre. Parler à l’homme avec des symboles lui donne toute la latitude d’exercer son libre-arbitre
et d’élaborer sa propre compréhension et son interprétation
(herméneutique) du sens de ces formes imagées et métaphoriques. Ce
libre-arbitre, le FCE refuse de nous le concéder, tout en se
positionnant comme une entité férue de « concertation » et de
« cohérences ». Mais, bien-sûr, il faudrait croire que l’idéologie ne le
concernerait en rien.
De fait, le FCE est la seule instance du pays à
avoir, d’elle-même, publiquement décrété en Algérie « la Fin de
l’Histoire ». C’est historique : les Marginalistes tout autant que Fukuyama peuvent « se réjouir ». Ainsi que Sir William Petty (1623-1687)
qui, en matière de politique économique et fiscale, conseillait de
recourir au « Nombre, au Poids, et à la Mesure » plutôt qu’à
l’« argument intellectuel » (« intellectual argument »). Sauf que cela
se traduit chez nous, des siècles plus tard, par une évacuation
intempestive de l’épaisseur historique et sociale de nos réalités
économiques pour ne se référer qu’à la baliverne d’un Economique Pur et
comme Dépouillé des Souillures du Temporel et de l’Ici-Bas. Ceci est le
fait de gens qui ont une peur bleue
de la complexité, ne serait-ce que de celle qui préside au peaufinage
de leur stratégie de communication. Le FCE scande de fait : « APOCALYPSE
NOW ! de grâce, sortez-moi du Purgatoire pour que je puisse être
éternellement riche sans avoir à trimer comme un capitaliste
digne de ce nom! Je vous jure que n’exercerai jamais mon emprise
politique sur la société !». Foin de « patrons réels ». Foin d’hommes
d’action qui feraient croître leurs entreprises en fructifiant leurs fonds propres et, si besoin est, recourraient à un onéreux
crédit bancaire. Alors que l’Ambassadeur britannique à Alger trouve que
les conditions qui prévalent actuellement dans notre pays offrent des
garanties suffisantes à l’IDE britannique,
et que la règle des 51/49%, elle-même, ne leur est pas d’un coût
prohibitif, nous devrions prendre en considération un « Nouveau Pacte
etc. » qui, après lecture fastidieuse, s’avère être un mélange détonnant
de libéralisme conservateur et incontinent et de néomercantilisme chronique : luxe que j’accorderais volontiers (fût-ce par dépit) à tout producteur algérien, mondialement performant, de haute technologie et de biens d’équipement.
Quand on sait que le Royaume-Uni est le berceau historique du
libéralisme et du libre-échange économiques, et à quel point les
britanniques se soucient de protéger leurs intérêts vénaux, l’on se
demande ce qu’il faudrait de plus, au FCE, que ce que les anglais
eux-mêmes n’exigeraient pas mordicus, en dépit de leur froid
pragmatisme.
5. Mais revenons à St Augustin. Ce dernier sollicita, chez les chrétiens, l’esprit
humain plutôt que les peurs irrationnelles. Que fait par contre le FCE,
qui estime devoir, en Algérie, « lever le voile » que serait « le
pétrole » sans prendre la « mesure » de ce que cette métaphore implique comme intentionnalité et ressorts émotionnels, affectifs, perceptuels et intellectuels de l’action sur l’ordre matériel ?
Le FCE nous désarme politiquement. Dans son travail de propagande (c’en est un, et, comme dans tout rapport de force politique, il en faut) et de Gestion par le Stress
(Management à la Harvard Business School appliqué sans nuances ni
vergogne comme si une « entreprise » ou une « société entière »,
c’était du pareil au même) de nos dispositions individuelles et
collectives à l’adhésion et à la coopération, le FCE recourt aux deux
perceptions du sens de l’Apocalypse. Une seule ne lui suffit pas. Il
mobilise, pour sauver les algériens d’une dangereuse addiction (« on est drogué aux hydrocarbures » explique R.Hamiani),
la première interprétation, chrétienne, de « lever le voile ». Et tant
pis, au moins pour ceux qui, bien que de la modeste condition, dorment
la conscience tranquille tant leurs impôts sont ponctionnés sur salaire,
et qu’en contrepartie de la sécurité que leur offrent leurs CDI, ils
consentent à la vie frugale, eux, leurs femmes, et leurs enfants. Oui,
« frugalité » : vertu cardinale qui, selon A.Smith
(1723-1790), sous-tend l’épargne et, par ricochet (sobre doctrine
économique y aidant certainement), l’investissement, sobre lui aussi,
efficace, de « champions » que l’on voudrait réfractaires à
l’ostentation, pas enclins du tout à gigoter leurs trognons respectifs
sous les feux de la rampe d’une sotte « Société du Spectacle » (G.Debord) et de ce que tant d’économistes sérieux, comme P.E Julien et Marchesnay, appellent « Economie de la Superstar » voire « Economie à la Michael Jackson ».
6. Le FCE tape dans le tas. Il n’épargne personne. Même pas
ceux, pourtant légion, qui, de la « Rente », n’en hument que les
nauséabondes vapeurs … de cirage et de pots d’échappement.
Ils n’obtiennent rien de la « Manne et de la Caille » (El menna
Ouesselwa) qui, elle, profite plutôt à des évangélistes en puissance, et
qui se méconnaissent comme tels.
Au fond, le FCE signifie que si les plus que 37
millions d’amateurs (que nous sommes tous supposés être) de sebssi et de
chants de canaris encagés continuaient à se lover dans l’atmosphère
opiacée du Boui-Boui Ottomano-Andalou qui leur servirait de pays, fût-il
aussi vaste que quatre fois la France ils subiraient quand même,
fatalement, le Purgatoire (ou, pour le dire avec les mots de nos
pudiques aînés, « Dhiqq-el-Q’berr !» — l’« Exiguïté de la Tombe !»).
Certes, le FCE admet que le pétrole peut encore financer ce qu’il perçoit
(projections, ou transferts ? — allez donc fouiner dans une « unique
préoccupation » pseudo-patriotique pour le savoir!) comme de dangereux
atavismes collectifs pendant « quelques décennies encore ». Cependant
nous devrions comprendre que si jamais « Hassi-Messaoud et Hassi R’mel »
fermaient inopinément leurs portes entre-temps, la « malédiction » s’abattraitplus tôt sur nous. Là, Kamel Benkoussa (économiste et financier à Londres) vient à la rescousse, et dramatise le symbolisme du FCE en lui conférant une force de frappe très Puritaine.
Voilà de quoi nous renvoyer, en fait, et au mieux,
dans l’enfance : « Bouh ! Bourourou ! Tergou ! Âouaoua ! Aïcha
L’Kandisha ! » nous fait-il (peine perdue pour le Puritanisme
Anglo-Saxon). St John Perse, bien que … poète, est autrement plus lumineux pour le genre humain, et particulièrement pour les économistes vraiment férus d’effectivité, d’efficacité et d’efficience : « Et, dit ce poète, dans l’acclamation des choses en croissance, n’y a-t’il pas, pour nous, le ton d’une modulation nouvelle ? ». La bonne vieille Angleterre, d’évidence, n’offre pas que l’opportunité de muer en une sorte de … Rapoustine à l’anglaise. L’on peut y apprendre à … moduler le ton … pour mieux participer de la gestion de la Cité, et créer les conditions nécessaires à une bonne Communication.
7. Puisqu’il est aussi question de la place légitime à
reconnaître à nos « expatriés » (dit M.Ouyahia), je confierai volontiers
(tout en désirant ardemment leur contribution) que depuis ma lecture
attentive des pieuses prédications du FCE, les sombres visions de l’économie que léguèrent T.R.Malthus (1766-1834) et D.Ricardo (1772-1823) ne susciteront plus en moi que des peurs festives, du genre de celles d’Halloween.
Il y a pire, désormais, que leurs funestes pressentiments
(scientifiquement et posément formulés par eux) : l’Œuvre Messianique
du FCE.
L’une de mes anciennes trajectoires hors du pays,
avant de revenir au bercail, m’avait permis de découvrir, respecter, et
savourer la fête d’Halloween comme l’expression d’une idiosyncrasie
(celle d’un autre peuple du monde que le mien). Ce choix intime de
retour, je l’avais fait sans dénigrement du bien-fondé éventuel de tous
les autres choix possibles. A l’époque, j’avais jugé « incohérent » de faire de l’Algérie, dans mon rapport à Elle (« SHE »),
une sorte de ventre mort : un « Cimetière aux Eléphants ». J’y voulais
vivre — full stop. En Avril 1982, à l’aéroport, l’on me retira mon
passeport [1ère chasse-aux-sorcières ‘‘vaillamment’’ engagée
contre le Boumédiénisme, ses technocrates et étudiants, plus que par
souci de réformer quoi que ce fût]. Nabi Belkacem,
alors ministre de l’énergie, fut pour beaucoup dans cette vague
d’« assainissement ». Deux années sans passeport. En 1997, je fus
gratifié d’un numéro d’écrou, comme tant d’autres cadres gestionnaires
d’un secteur public ingratement honni et mal analysé (à ce jour !) dans
son fonctionnement, ses tares (si l’on veut !), tout autant que ses
dynamismes (eh oui !) insoupçonnés ou sciemment occultés (les enclins à
la destruction intempestive primant l’esprit qui eût dû normalement
présider à des démantèlements avisés — préalables à de sages
redéploiements stratégiques) : 2ème chasse-aux-sorcières. Féroce Mise au P.A.S (Plan d’Ajustement Structurel) du reliquat des « lunatiques » (C.Hill) d’une époque … « populiste » ? que « ÇA » (Nietzsche)? vraiment ? n’y avait-il rien d’autre qu’il eût fallu pérenniser et enrichir au profit du pays ?
Donc, plus de 33 mois de détention préventive,
avant d’obtenir gain de cause, sans indemnisation (je n’en ai jamais
voulu : compte pertes et profits ! khâsserr ou fêreq !). Et puis
après ?! Au diable les raisons de terrifier qui que ce soit ! Au diable
les visions « géocentriques » qui incitent à se considérer soi-même
comme le « centre immobile du monde » (N.Elias) !
Aucun des humanistes (ils étaient de diverses religions et d’obédiences
scientifiques et politiques différentes, de maints peuples et métiers) à
qui je dois ce que j’enseigne avec plaisir à mes jeunes sœurs et frères
de l’Université d’Oran ne m’a appris que pour susciter la coopération
de mes congénères, je devais passer Maître dans l’Art de Terroriser et
de Manipuler des Peurs Irrationnelles. Là où je suis né, j’agis normalement,
comme je le ferais dans n’importe quelle autre contrée du monde (et non
comme si l’Algérie ou « la Planète des Singes », c’était
kif-kif-pareil).
8. La Transcendance Salvatrice Se Révèle avant l’Heure
Fatidique (et son Armada de Gourous du Management Indigeste) pour nous
remettre dans le Droit Chemin (là est mise en œuvre la deuxième
interprétation, très St Augustine, de l’Apocalypse) :
c’est-à-dire le FCE Lui-Même (et ses Anges de la Culture Think Tank).
Son « Nouveau Pacte etc. » fait office de Nouveau Livre Saint ou de
Nouveau Testament (c’est comme le FCE voudra bien le définir, à supposer
qu’il daigne assumer toute la teneur impudemment messianique de son
discours). Le Message de Paix (« Pacte ») nous a donc été transmis comme
il se doit, à l’Aube Sainte du Nouveau Millénaire, tout comme St Jean
a eu, de son temps, à transmettre le sien aux chrétiens
persécutés. Sortons vite de notre addiction collective pour ne pas être
tous damnés, et concédons que le FCE puisse parader dans les
« Expositions et les Foires internationales » en bénéficiant de « prises
en charge totales » de
ses frais par l’Etat (le FCE ne nomme d’ailleurs l’« Etat » que par
trois fois, seulement, dans son texte) tout en admettant qu’il puisse,
de surcroît, mettre en demeure le même Etat de « s’interdire la
gratuité » au profit des malheureux. Au mieux, « précise » le FCE,
1.500.000 DA (là, c’est vrai, le FCE est plus généreux que … les
« pouvoirs publics ») pourraient être alloués aux familles qui, à peine
chassées de leurs patelins par le terrorisme, devraient y retourner
dare-dare : leur Rurbanité dérangerait le sens de l’esthétique des
‘‘vrais’’ citadins (« El H’dherr »).
Rêverait-on ? Ce qui relève normalement de la
Planification et de l’Aménagement du Territoire serait-il, là encore, à
appréhender par le prisme d’une logique de profit débridée, et dénuée de
doctrine explicite ? Ainsi, pour n’en rester qu’à des référents
compréhensibles pour les … mortels … que nous sommes, le Front Islamique du Salut
en tant que parti politique a disparu, mais les algériens devront
compter encore longtemps avec l’influence rampante et diffuse de
l’Idéologie du Salut. Les ressorts mentaux, perceptuels, affectifs et
émotionnels (ces choses-là intéressent tout manager digne de ce nom de
par le monde) qui la perpétuent se nichent dans la caboche et le
tréfonds de gens qu’on ne soupçonnerait jamais d’être des sortes de
millénaristes, tant ils se donnent à voir comme des hommes d’action
rompus à l’art de transformer utilement l’« ordre des choses humaines » (St John Perse, toujours, par ma bouche, et non par celle des Raspoutine
en puissance). Inadvertance ? Inconscience ? Quoi d’autre encore
d’insoutenable et d’insipide, qu’une majorité populaire n’aime pas du
tout, et qu’elle a d’ailleurs combattu avec succès (au grand dam
desdites Grandes Puissances elles-mêmes) lorsqu’il lui a fallu rétamer
hardiment les suspects syncrétismes
qui ont servi à la fabrication internationale, et clandestine, du
meurtrier magma idéologique du FIS ? Ma conviction est que ces sulfureux
syncrétismes consistent à inséminer dans le cœur des musulmans le
désarroi et l’épouvante qu’entretient l’idéologie de l’Apocalypse. Le
FCE participe (à son insu, peut-être, mais c’est pire que de le faire
consciemment) à la diffusion d’un tel messianisme. Or, les algériens
seraient plutôt à mobiliser (c’est mon avis) à partir de leurs
indubitables tendresses, de leur sens pratique et de la frugalité, de
leur propension à « prendre l’histoire par les origines » (B.Stora).
Tant d’autres ressorts culturels seraient à valoriser méthodiquement :
vaste programme de recherche pour l’Université Algérienne. Encore
faudrait-il lui reconnaître le droit de s’articuler autour d’un
académisme digne de ce nom plutôt que de la sommer d’appréhender la vie
au travail en faisant sienne le sens de l’épouvante apocalyptique dont
souffre le FCE.
9. Pierre Bourdieu avait une conception louable de la politique : « Les mots,
c’est important, avait-il dit. La politique est une affaire de mots.
Changez les mots et vous changerez la réalité ». Le FCE ne devrait pas
nier sa posture éthique, philosophique, idéologique, politique et
sociale, religieuse (s’il le fallait), au lieu de nous faire avaler des
boas. Quant aux couleuvres, nous en ingurgitons depuis des lustres et
des lustres, bien malgré nous, du fait des pratiques de pouvoir qui
prévalent à grande échelle, et des indispositions maladives, et
généralisées, à le partager. Il appartient donc au FCE de méditer sur le
sens des mots qu’il utilise dans sa stratégie de communication, et
d’investir quelques dinars « lourds » dans la sage
conception d’une solide doctrine. Si nous devions, de surcroît,
valoriser à bon escient (légitimement) l’idéologie au nom de ce qu’en
disent, par exemple, Luc Boltansky et Eve Chiapello, force serait d’inviter la fameuse instance patronale à plus de modestie et de veille épistémologique, tout comme on l’encourage volontiers (pour ses propres intérêts) à se « préoccuper » sérieusement de veille technologique : l’une ne va jamais sans l’autre. Par ailleurs, ceci dit au passage, le Holisme à la Bachelard est rétamé depuis si longtemps (ce remugle monte aussi du pathos discursif du FCE ).
Boltansky et Chiapello conseillent en effet de :
«… donner au terme d’idéologie non le sens réducteur — auquel l’a souvent ramené la vulgate marxiste — d’un discours moralisateur visant à voiler [ tiens ?! curieux ! toujours la même récurrence sémantique qui revient nous harceler!] des intérêts matériels et sans cesse démenti par les pratiques, mais celui — développé par exemple dans l’œuvre de Louis Dumont — d’un ensemble de croyances partagées, inscrites dans des institutions, engagées dans des actions et par là ancrées dans le réel. »
Alors, justement, peut-être serait-ce là le
problème du FCE — non ? Peut-être que les membres de son Think Tank lui
ont-ils fait croire que les « idées générales » seraient à proscrire ?
D’où, éventuellement, qu’il se soit engagé dans une démarche aux risques
considérables : celle qui consiste à se priver de boussole fiable.
Libre à lui, aussi, dans cette tâche de clarification qu’il devrait
assumer à ses frais (la
« Rente », nous en avons tous besoin), d’y aller plus explicitement du
religieux. Qu’il daigne seulement nous expliquer comment des musulmans
pourraient s’accommoder de sa vision apocalyptique.
Le FCE serait injuste de ne pas relever la clairvoyance de l’historien Benjamin Stora :
« En France, on regarde l’histoire par la fin,
l’année 1962, c’est-à-dire par le massacre des harkis, l’exode des
pieds-noirs, l’anticolonialisme de la gauche. Les Algériens, eux,
regardent cette histoire par le début : pourquoi ils ont dû rentrer en guerre, pourquoi ils se sont révoltés. Les Algériens ont un rapport par les origines de cette longue histoire ; quand les Français en ont un par la fin, terrible, perçue comme une apocalypse [Ah bon ?! Là encore ?!] de violence absurde, un engrenage ». Liberté (16.05.12)
Si le FCE avait considéré « l’histoire par le début / par les origines» il aurait contraint ses Think-Tankistes [y’a pas d’faute !] à nous pondre pas moins de … (132 + 50) 182 « propositions » fleurant bon « l’unique préoccupation »
… des algériens. ÇA aurait au moins pris la forme d’un programme
présidentiel. Il était donc moins fatiguant, nerveusement et
intellectuellement, de « prendre l’histoire par la fin » : pas comme les
‘‘indigènes’’, mais comme « les Français » qui, eux, lui donnent une
solennité « apocalyptique » (« violence absurde / un engrenage »). Tout
ceci pour dire que de tenir compte de l’idéologie au sens noble aurait
évité au FCE de prendre « l’économie » et l’« entreprise » par la queue,
et d’être sous l’influence des mots d’une pensée mystico-religieuse,
diffuse et d’origine anglo-saxonne en vérité, alors-même qu’il affirme
n’avoir aucune posture idéologique. La Gestion par l’Epouvante est
inopérationnelle en Algérie : que le FCE l’admette. Pensée dénuée de
doctrine n’engendre que « chaos » cognitif, « chaos » dont il serait vain d’attendre qu’il soit fécond et « créateur » au sens de J.Alois Schumpeter
(1883-1950). Toute action qui prendrait source dans l’instabilité
affective et intellectuelle du FCE engendrera des désordres
épouvantables, propices à l’éclosion de violences multiformes,
kaléidoscopiques, elles seules plurielles (malheureusement pour tous les algériens) et toujours renouvelées dans leurs formes d’expression.
10. Le FCE n’est pas seul, dans le « monde » de la
Consultance Divinement Inspirée à utiliser les mots d’un évangélisme
cachotier, rompu à la « persuasion clandestine » (Vance Packard est à relire). Taïeb Hafsi pratique aussi (spontanément ?) la Chose. Dans son livre sur Issad Rebrab, il explique pourquoi il a entrepris de raconter la trajectoire du célèbre « capitaine de l’industrie » (pique intempestive assénée au concerné par le premier ministre Ouyahia) et non pas « capitaine d’industrie » (la critique du chef du RND, est implicite et facile à comprendre).
Ce professeur de HEC Montréal écrit :
T.Hafsi : « Nous voulons […] révéler ce parcours [ie. celui de I.Rebrab] et, peut-être, lever une partie du voile (Mais qu’est-ce que cette phobie du Haïk ?!) sur le processus qui mène à la construction des grandes œuvres humaines ».
Voilà. Le Monastère Fantomatique Globalisé étend
son emprise. Sous couvert de scientificité et d’universalisme, il
diffuse des perceptions aspergées d’Eau Bénite (Mê’ Zem Zem — pas
question !) de ce que serait l’Entrepreneur Autonome et Fondateur de
Richesse et de Prospérité. Sous prétexte de militer en faveur des
libertés à l’échelle planétaire, l’« Etat Fédéral Protestant Américain »
(dixit : P.Legendre)
doit faire en sorte qu’un « Marché des Religions » soit la trame de fond
de tous les autres Marchés Mondiaux… Meilleure façon d’y parvenir ? —
faire gober le jargon qu’il faut : un Catéchisme. Certaines façons de
concevoir le management facilite l’intox. Tout compte fait, les deux
missionnaires de la « Hillary Clinton / Woody Allen’s Son & Co »
n’ont pas, récemment, atterris pour rien au Maghreb. Ils ont du se dire
qu’en Algérie, aussi, le fruit était mûr.
Si tant est qu’il s’agisse de débattre de développement économique (et pas seulement de « croissance », celle-ci n’étant, comme l’affirme l’économiste P.P.Streeten
que « le test » qui prouve qu’il y a eu « développement ») tout en
restituant (intellectuellement et pratiquement) à la vie « économique et
d’entreprise » l’ensemble de toutes ses dimensions réelles, le FCE ne
devrait pas imposer des modalités de réflexion et de discussion inhibant
notre sens critique. Efficacité matérielle et efficacité sociale
sont, de fait, indissociables. Personne n’a à nous conter fleurette. Ni
à nous emmailloter les méninges. Ou à anesthésier l’une ou l’autre de
nos facultés humaines, en serinant pathétiquement que l’idéologie et les
stratégies de prise de pouvoir ne seraient pas de mise dans les débats
sur notre destinée collective. A ce compte-là, autant en rester au chant
de nos chardonnerets sauvages, et laisser au FCE ses canaris encagés et l’opium pétrolifère
qui va avec. Espérons par ailleurs que le fameux sens du « Djihad » que
le premier ministre a récemment … convoqué ( ?)… pour lutter contre
l’« informel » émane vraiment d’une pleine conscience des sordides
enjeux de stratégie géopolitique et militaire dont sont truffés les
« packages » et autres « feuilles de route » sur la « croissance
économique ». Et que la notion de Djihad prisée par M.Ouyahia fera
l’objet, de sa part, d’un effort d’exégèse politique (pour ainsi dire) :
sans quoi nous risquerions de voir, derechef, l’Algérie tourner sens
dessus dessous. Nos femmes et nos enfants ont déjà trop souffert —
parole d’homme !
11. Le HCE houspille tout le monde. L’on devrait l’aider à
peaufiner son image d’entité démocrate, sachant que le prix à payer (par
nous tous) serait de répondre avec « précision » et « cohérence » à ses
questions pseudo « précises » et pseudo « cohérentes ». Or cette
instance patronale intervient déjà dans un Cadre Tripartite. De tels
dispositifs de concertation furent utilisés au Royaume-Uni dans
l’immédiat Après-1ère GM. Il s’agissait, pour tous les
gouvernements qui se sont succédé à l’époque, de faire face à la sévère
crise de Capital et de Main-d’œuvre qui frappait, depuis la première
décennie du 20ème siècle, l’ensemble des pays industriels européens. Chaque « Gouvernement » a dû favoriser la croissance institutionnelle
d’entités représentatives des forces du Capital et du Travail. Elles
devaient jouer un rôle d’intermédiation pour obtenir le consentement
public (« public consent ») et éviter les luttes de classes. Ainsi, des
négociations et des débats fondamentaux concernant la destinée collective des britanniques furent menés sur la base du modèle tripartite. Du coup, selon des historiens et autres spécialistes comme K.Middlemas,
toutes les autres institutions concernées par le débat démocratique
(« le Parlement, les Partis, la Presse, les Eglises, la multitude des
associations etc.») furent tout simplement dépouillées de leur substance politique (au sens de gestion de la Cité). C’est pour cela que l’expression « Parlement de l’Industrie » est réservée à toute forme de Tripartite chargée de traiter des questions économiques et sociales.
Le FCE devra donc s’expliquer malgré tout : il
participe, quand son « ÇA » l’arrange, d’une sorte de « Parlement de
l’Industrie » (la Tripartite) qui prive de substance et de légitimité
politiques les autres institutions normalement concernées (en
démocratie) par l’intérêt-général. Et, toujours quand son « ÇA » le lui
souffle à l’oreille, il s’« affiche » comme « champion » autoproclamé du
débat démocratique. Une façon de consommer sans coup férir et le beurre et l’argent du beurre.
Que de siéger au sein de la Tripartite ne permettrait-il plus au FCE
d’accroître sa part de « Rente » ? Que s’est-il donc passé pour que le
FCE en soit à « nous sortir, soudain comme son ÇA le lui ordonne, [à partir] des roseaux » [où il s’était planqué] ? Khrrejjelna mel G’ssebb.
12. Quiconque parmi nous n’a pas perdu son Latin ne peut que
déplorer l’incohérence et l’indigence doctrinales du FCE. Et quiconque
estime devoir parlementer avec lui en dehors des dispositifs de l’Etat
devrait lui demander, au moins, de revoir sa copie.
Quiconque, toujours, a chaussé ses bottes de sept lieues tout en sacrifiant à la nécessité
de toujours produire plus l’on ne consomme, et planté profondément son
pieux identitaire dans notre terre d’Algérie, ne s’étonne pas de la
prolifération des Propagateurs Impénitents d’une Sombre Pensée
Apocalyptique : ils investissent tous les domaines. Plus ils
s’enrichissent et plus ils voient … la vie en noir. Quant à la multitude
de « patrons réels » (publics et privés) et aguerris que nous sommes en
droit de voir enfin à l’œuvre, eh bien, c’est râpé. Ce qu’on appelle
« la Rente » est irrationnellement alloué. Peut-être qu’un jour l’on en
viendra à la rigueur et à la sobriété de la « Planification Démocratique »
qui permet, en économie dite de marché (Banque Centrale veillant au
respect de l’orthodoxie monétaire), de ne pas faire perdre la boule aux
gens. N’importe quel « Dictionnaire des Théories et Mécanismes
Economiques » (ex. celui de J.Brémond et A.Gélédan)
décrit le type de dispositif à mettre en branle, et les requis d’une
telle orthodoxie. Nul besoin de recourir onéreusement à des Think Tankers (je récidive !) qui devraient se résoudre à aller en pèlerinage au lieu de jouer aux Gourous de l’Apocalypse : à ST Jacques de Compostelle et/ou
(leurs étranges syncrétismes semant trouble et confusion) … à la Mecque
(pourquoi ne l’envisageraient-ils pas aussi ?). Leur latence religieuse
y gagnera. Ainsi que celle de tous les autres algériens, quelle que
soit la Transcendance de leur choix (Dieu, la Nature, le Hasard ou
l’Histoire etc.)
Conclusion : (Attention : Chiffre Tabou) : 13. Quant au développement économique, et non la seule « croissance économique » : la pertinente idée du professeur Abdelmadjid Bouzidi
de « tenir un Congrès ou une rencontre qui regrouperait chaque semestre
ou chaque année l’ensemble des associations patronales pour coordonner
leurs actions » devrait être prise en considération. Vite. Très vite.
Sauf que toutes les parties prenantes à la Planification Démocratique
précitée devraient y être conviées, pour mettre fin au « Boogli-Boogla »
(A.Bouzidi a bien
raison) mystico-religieux et pseudo-scientifique. Il y a seulement que
les sages conseils généreusement prodigués par des observateurs indigènes
(ceux qui prennent l’histoire par les origines) ne font jamais le
poids face à l’Epouvantable Séduction des onéreux « packages » et autres
« feuilles de route » du Bling-Bling Management. Pourquoi ? Parce que :
ACHETER CHER, ÇA FAIT SMART. D’où qu’il faille corréler, pour une part, le taux d’inflation des prix avec l’« inflation psychique » (C.G.Jung)
de nombre d’opérateurs économiques. Hein ? Pourquoi pas ? Du reste,
heureusement que pour tous les indigènes contraints, quant à eux, à la
résilience contre les affres de la « déflation psychique » (toujours C.G.Jung) où on les enferme, le dinar actuel demeure « lourd », affectivement, tout autant que les « mots ». Ne disent-ils pas « Koul Kelma B’Mizên-ha» ? Le FCE pourra traduire par « Chaque mot a son pesant … d’OR », si SON « ÇA » LE LUI CHANTE.
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