Dimanche 28 juillet 2013

Jeudi 30 juillet 1992. Bab El Oued est « plombé » sous un soleil
brûlant. Après avoir supporté stoïquement une journée caniculaire, les
habitants de ce quartier populaire et mythique s’apprêtent, comme cela
est de triste coutume depuis environ une année, à vivre une énième nuit «
chaude » qui ne manquera pas de leur livrer le lendemain matin son lot
de deuil et de larmes. Soudain, une, deux et puis trois détonations
déchirent l’air étouffant d’un exécrable après-midi. En quelques minutes
seulement, la triste nouvelle se répand comme une trainée de poudre de
Djebel Koukou à la place des martyrs. Malki Abdelhak, un jeune policier
âgé de 31 ans, de repos ce jour-là, vient d’être traîtreusement
assassiné par deux monstres armés et lâchés dans la nature par des
sanguinaires assoiffés de pouvoir. Abominable ; ignoble ; odieux. Tous
les qualificatifs ne suffisent pas pour exprimer le geste commis par
deux jeunes désaxés, endoctrinés jusqu’à la moelle par des
commanditaires sans foi, ni loi, éprouvant un plaisir macabre à envoyer
des jeunes Algériens tuer d’autres jeunes Algériens. Aujourd’hui, vingt
et un ans sont passés depuis que Malki Abdelhak est parti, laissant
derrière lui une petite fille à peine âgée de dix mois. Mon Dieu que
c’est dur d’évoquer cette tragédie qui a entraîné la mort de nombreux
Abdelhak par la faute d’illuminés dont certains coulent des jours
heureux et paisibles à Doha, à Londres, à Genève et à Washington, pour
ne citer que ces contrées où les dégénérés du « Takfir oua al hijra »
trouvent encore le confort et le réconfort. En Algérie, ils avaient
décrété le pouvoir impie, les forces de l’ordre, des « taghout » et
l’écrasante majorité du peuple qui ne les avait pas suivis une masse
d’hérétiques et de dévoyés à soumettre à la rédemption par le feu et par
le sang. Mais là-bas, en Europe et en Amérique, ils respirent à pleins
poumons l’air « démocratique » et « libéral » labélisé par la société
occidentale ! Mon Dieu, que c’est pénible d’écrire ce genre de papier et
dire une tragédie que tous les Algériens doivent toujours lire au
présent, particulièrement dans un contexte où la sécurité de leur pays
est ciblée de toutes parts. Car, malgré une réconciliation aux effets
thérapeutiques incontestables, le souvenir de cette période nébuleuse et
obscure fait encore mal, très mal. Parler de la police algérienne, de
son évolution technique et humaine, des progrès qu’elle a enregistrés et
de son rôle dans la sécurisation d’un pays dont la dimension
continentale n’enchante pas spécialement « Big brother » et ses
programmateurs cybernétiques qui voient tout et entendent tout, sans
évoquer les lourds sacrifices consentis par une institution républicaine
– n’en déplaise à certains transfuges de la DGSN reconvertis en
consultants sécuritaire – et par des hommes qui ont fait face à l’une
des entreprises criminelles les plus dévastatrices du XXe siècle, c’est
faire montre d’un manque flagrant de lucidité. Parler de la police
algérienne, de sa modernisation et de sa mise à niveau tant sur le plan
humain que matériel sans se référer aux années 1990, ces années de
plomb, durant lesquelles il était plus facile de traquer le cartel des
narcotrafiquants dans les rues de Bogota et de Medellin, à titre
d’exemple, que d’aller faire ses courses du côté de « la Glacière » ou
rendre visite à ses parents à Bougara ou à Attatba, après une longue
absence, c’est s’exposer indubitablement à une incompréhension d’une
mutation qui a été faite dans la douleur. Ces milliers de recrues,
hommes et femmes, du simple agent de l’ordre au spécialiste en
technologie, en informatique, en physique nucléaire ou en droit, qui ont
rejoint les rangs de la police après le retour de la paix et de la
sérénité, et qui travaillent aujourd’hui dans des conditions idéales
pour leur épanouissement professionnel doivent plus que tout s’inspirer
du dévouement illimité de leurs aînés dont beaucoup sont encore en
exercice. Ces milliers de policiers exerçant aujourd’hui au sein des
différentes structures de la sûreté, selon des normes appliquées par les
meilleures polices du monde, doivent brandir avec une grande fierté
leur filiation à une génération qui a payé un lourd tribut à la lutte
antiterroriste. Une génération de baroudeurs qui ne savaient pas ce que
le mot résignation voulait dire : des agents de la circulation, des
mécaniciens, des chauffeurs, des employés chargés de missions
administratives, des artificiers, des officiers ou des éléments
appartenant aux troupes d’élite de la DGSN, les fameux « ninjas », et
dont l’expérience acquise sur le terrain sert aujourd’hui de référence
de base à la formation dans les différentes écoles de la police. La
meilleure manière de rendre hommage aux aînés, disparus, à la retraite
ou encore en activité, consiste à donner le meilleur de soi-même en se
conformant à l’esprit et à la lettre du processus de modernisation mis
en oeuvre par feu Ali Tounsi et poursuivi par le général-major
Abdelghani Hamel.
En relevant le défi, la génération montante aura
confirmé que le sacrifice des aînés n’a pas été vain. En s’élevant à la
hauteur des objectifs stratégiques tracés par le DGSN, un homme de
grande rigueur morale qui avait déjà donné un aperçu de son profil en
s’engageant, lors de sa première sortie médiatique, « à travailler main
dans la main avec tous les cadres pour resserrer les rangs à l’intérieur
de l’institution et à combattre sans relâche toutes les déviations qui
ternissent l’image de cette institution », elle aura largement contribué
à faire de la police une « arme » redoutable, capable de neutraliser le
crime sous toutes ses formes, et une « assurance-vie », destinée à la
protection du citoyen et à l’instauration de l’Etat de droit auquel
aspire tous les Algériens quelle que soit leur obédience idéologique.
Pour mesurer l’immense travail accompli par le défunt Ali Tounsi et le
général-major Abdelghani Hamel, son successeur, il est donc plus
qu’utile de revenir quelques années en arrière, jusqu’à cette période
qui avait suivi la disparition tragique de Houari Boumediene. Sans ce
retour vers une période « marquante » de l’histoire contemporaine du
pays qui avait vu les ennemis de l’Algérie mettre en œuvre leurs plans
de déstabilisation en ciblant en premier lieu les services de
renseignements, le ministère de l’Intérieur, la jeunesse et les sports,
l’université et enfin la structure industrielle, on risque de ne pas
saisir pleinement l’importance des dégâts occasionnés, ni d’ailleurs la
portée historique de la remise à niveau organique et opérationnelle
entreprise par le général-major et avant par son illustre prédécesseur.
Cette période a vu le démantèlement de la Sécurité militaire pour des
motifs fictifs, la parcellisation du tissu industriel, la
dépersonnalisation d’une université livrée par tranche au salafisme, la
remise en cause de la réforme sportive qui avait permis pour la première
fois à l’Algérie de participer à une phase finale de Coupe du monde
grâce à une génération talentueuse de footballeurs formés en Algérie, et
plus grave encore, l’infiltration de la police par des cadres aux
méthodes expéditives qui n’allaient pas tarder à donner une image
détestable de la DGSN durant les mouvements de contestation populaire de
Sétif et de Constantine en 1986 et pendant les douloureux évènements
d’octobre 88. C’était l’époque de « Hamma Loulou» et des fameuses
campagnes de sensibilisation civique qui connurent de nombreux dérapages
« planifiés » dans le but de créer un fossé entre la police et les
populations des grandes villes. On avait assisté en plein jour à des
scènes surréalistes au niveau des rues Ali-Khodja à El Biar,
Colonel-Lotfi à Bab El Oued ou au Télemly où des policiers étaient
chargés d’interpeller des femmes qui avaient « osé » bravé
l’interdiction d’étendre le linge sur les balcons ! On avait assisté
durant les années 1980 à des scènes dévalorisantes où l’Etat se
substituant aux employeurs publics, tous organismes confondus, a engagé
la DGSN dans une campagne de lutte contre l’absentéisme qui n’était pas
de son ressort. Pendant ce temps, le discours religieux extrémiste
prenait racine dans la société sous le regard bienveillant et protecteur
des éléments travaillant pour le compte de l’ « homme qui parlait aux
avions ». Bien avant la mascarade électorale du 26 décembre 1991, on
avait assisté à une multitude de provocations montées de toutes pièces
et séparément contre la société, les services de sécurité dont la
police, les intellectuels et les moudjahidine. Tahar Djaout et
Abdelkader Alloula ne sont plus parmi nous, pour parler de cette
interview de triste souvenir accordée par l’hebdomadaire
Algérie-actualité au général Marcel Bigeard, un criminel de guerre dont
la simple évocation est une immense insulte à la mémoire des chouhada et
au combat des moudjahidine, mais d’autres Algériens sont encore en vie
et peuvent témoigner au sujet de cet épisode qui avait jeté le discrédit
sur une publication réputée pour sa liberté de ton et la pertinence de
ses analyses. Des rumeurs non confirmées avaient circulé dans Alger
concernant un énigmatique soutien émanant d’un haut cadre de la DGSN qui
aurait cautionné la publication de l’interview en question malgré
l’opposition du collectif des journalistes d’Algérie Actualité. A quels
desseins ces rumeurs ont-elles été amplifiées ? La réponse est simple :
pousser les journalistes à adopter une attitude négative à l’égard de la
police afin de gêner médiatiquement cette dernière dans ses missions de
maintien de l’ordre face au mouvement salafiste qui commençait à
occuper les lieux publics. Les concepteurs du complot confortablement
installés à l’étranger avaient chargé leurs larbins locaux à tout mettre
en œuvre pour aggraver l’impopularité d’un corps déjà soumis à une
terrible pression. L’attaque terroriste de l’école de police de Soumaâ
et le vol d’un important lot d’armes qui s’en est suivi constituaient le
prélude au déluge de feu qui allait s’abattre sur l’Algérie. Manipulés
par un Abassi Madani au profil londonien trouble, les premiers afghans,
présentés à des fins de diversion comme étant en désaccord avec le chef
du FIS, croyaient avoir affaire à une police complètement discréditée et
isolée en signant leurs premiers crimes. Dès les premiers jours, ils
allaient être désillusionnés par l’énorme capacité de résistance et
l’extraordinaire courage affichés par des milliers de policiers
déterminés à défendre la République et la patrie sans la moindre
réserve. Toutes les tentatives d’installer des « barrières »
psychologiques entre la population et la police n’ont pas résisté devant
les premiers actes de bravoure signés par des « flics » qui aimaient
l’Algérie profondément et simplement, et ont sauté en éclats avec le
ralliement spontané de la majorité du peuple algérien aux côtés des
services de sécurité dont la DGSN. Le complot avait lamentablement
échoué dans le feu de la lutte antiterroriste. Bien prise en mains par
le chahid Si El Ghouti, la DGSN n’a pas tardé à s’imposer comme un
solide rempart contre le crime. Avec l’avènement de la réconciliation
nationale et aidé par le retour progressif de la paix, feu Ali Tounsi a
vite compris la nécessité d’une modernisation d’une structure appelée,
plus que par le passé, à s’adapter à une nouvelle conjoncture. Mais
avant, il fallait démontrer d’abord à l’opinion publique que cette DGSN
qui a résisté vaillamment aux complots et aux manigances constitue
réellement une partie prenante dans le maintien de l’ordre et la
construction d’un Etat de droit à l’abri duquel la dignité humaine sera
protégée contre tous les excès. Il ne faut pas oublier que c’est sous
l’impulsion du colonel Ali Tounsi que la DGSN avait décidé de faire son
autocritique par rapport à certains « dépassements et aberrations », et
de rompre définitivement avec certaines « traditions illégales et
préjudiciables » qui ont terni son image. Le colonel Ali Tounsi avait
annoncé publiquement la destruction de milliers de rapports établis sur
des bases subjectives et qui ne répondaient pas à des paramètres
concrets. Une initiative courageuse et un signal fort pour aviser
l’opinion publique que le temps des enquêtes d’habilitation bâclées est
bien révolu. Désormais, tout s’effectuera sur la base d’un travail
sérieux et sur des vérités conformément aux valeurs morales
universelles.
Lorsqu’il avait pris en charge les destinées de la
DGSN, en juillet 2010, le général-major Abdelghani Hamel ne s’est pas
pressé de tout bousculer. Fidèle à sa nature posée et réfléchie, il
s’est donné tout le temps nécessaire pour faire son diagnostic, en
faisant appel à la précieuse expérience des uns et au savoir des autres,
avant d’amorcer son plan de modernisation qui s’est avéré par la suite
une véritable « révolution silencieuse » menée d’une main de maître par
un des hommes-clés du système sécuritaire algérien. Intelligent et
rationnel, il a prêté une écoute attentive à tous les avis, enregistré
toutes propositions avant de cautionner ce qui devait l’être et
d’apporter des correctifs aux procédures en cours susceptibles d’être
améliorées dans le cadre d’une mise à jour concertée en collaboration
avec les cadres supérieurs de l’institution. Très vite, sa rigueur et
son intransigeance dans le travail, son ouverture d’esprit, son côté
intellectuel et sa méthode logique l’ont imposé comme le chef incontesté
à qui tout le monde voue un respect illimité. Grâce à sa compétence, il
est arrivé à taire tous les bruits venant de l’extérieur de la DGSN, et
qui tentaient de semer le trouble et fomenter les clivages en laissant
entendre par exemple que les temps ont changé et que la police a
suffisamment de cadres de valeurs capables de la diriger. L’allusion
était clairement affichée sous l’apparence malicieuse de certains titres
du genre : « Un militaire à la tête de la DGSN », « Un gendarme pour
diriger la police» ou encore « Abdelghani Hamel veut militariser la
police ». Certains chroniqueurs qui collaborent avec des sites
électroniques étrangers connus pour leur haine viscérale de l’Algérie
imaginaient déjà des scénarios où il est question de « guerre des
services » avec une légèreté qui en dit long sur l’attachement
patriotique déglingué des uns et des autres. Le but recherché à travers
ce verbiage journalistique est d’installer une sorte de malaise au sein
d’une institution dont l’évolution positive pose déjà un énorme problème
aux « entreprises » criminelles et aux « sociétés » hors la loi dont
les intérêts sont sérieusement menacés. Si ces allusions nuisibles n’ont
pas fait long feu, c’est surtout grâce à la discipline et au
patriotisme d’un encadrement qui ne se laisse pas facilement manipuler
par les faiseurs de « mots », et c’est aussi grâce au charisme d’un
homme qui a réussi à faire l’unanimité autour de sa personne et de sa
méthode de travail. En moins d’un mois à la tête de la DGSN, il a situé
toute la problématique sécuritaire axée sur un principe à deux faces :
la dignité du policier et du citoyen sont indissociables. Le statut du
premier ne constitue pas une raison valable pour qu’il se situe
au-dessus de la loi, et les droits inaliénables du second ne pourraient
en aucun cas constituer un motif à l’anarchie et au désordre. «
L’émergence d’exigences induites par l’apparition de missions totalement
nouvelles implique des qualifications, un savoir-faire et des méthodes
d’intervention adaptées. Pour s’acquitter de ces missions, le policier
devra disposer de compétences supérieures. Par voie de conséquences, le
développement du degré de professionnalisme et la maîtrise des nouvelles
techniques policières ont imposé la modernisation des outils
pédagogiques et le recours aux nouvelles technologies de l’information
et de la communication pour permettre aux policiers de se hisser à un
niveau élevé de la performance ». Ces propos sont tirés de l’allocution
prononcée par le général-major Abdelghani Hamel à la Conférence des
directeurs généraux des services de police et de sécurité des pays
partenaires du voisinage Sud et des Etats membres de l’Union européenne,
tenue à Paris les 10 et 11 avril dernier. Ils résument parfaitement la
philosophie d’un homme de poigne et de dialogue ; un homme d’action et
de réflexion qui a mis la DGSN à l’abri des tentations claniques. Une
DGSN dont les initiales sont aujourd’hui synonymes de rigueur, de
compétence, de loyauté et de partenariat sociétal. Malki Abdelhak et les
nombreux policiers tombés au champ d’honneur durant la décennie noire
ou même après peuvent « dormir » tranquilles. Le flambeau qu’ils avaient
porté est toujours entre de bonnes mains. Lors de sa dernière visite en
Algérie, Claude Baland, directeur général de la police française, a été
vivement impressionné par le niveau de professionnalisation atteint par
la DGSN. Le patron de la police française n’a pas dissimulé sa « grande
surprise » devant le degré de sophistication atteint par la police
algérienne, et il l’a exprimé de vive voix. Loin de toute considération
démagogique ou d’ordre protocolaire, il s’agit en toute évidence d’un
avis autorisé qui confirme la « bonne santé » technique et morale d’une
institution qui allie maîtrise technologique et travail de proximité
avec une aisance déconcertante.
M. M.
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