Samedi 27 juillet 2013
La révision prévue de l’article 87 bis du code du travail «éliminera la
référence au SNMG et consacrera l’esclavage». C’est ce que pense
l’économiste Amar Belhimer en mettant en garde contre «un énorme danger
pour le monde du travail en Algérie».
Intervenant lors d’une conférence-débat sur le thème «Les droits
économiques en Algérie», organisée, jeudi soir, par la LADDH, l’orateur
estime que cette révision, devant être effective après la tripartite de
septembre prochain, est l’une des exigences du Fonds monétaire
international (FMI). «A mon avis, l’amendement de l’article 87 bis
consacrera, comme en France, le passage du CDI au CDD. Cela participe de
la précarisation de la condition du travail dans notre pays, d’autant
plus que le phénomène est associé à une tendance dangereuse à laquelle
appelle de manière ferme le Fonds monétaire international, en
l’occurrence l’abandon des négociations collectives de branches. Le FMI
dit OK aux négociations avec des syndicats, mais dans les entreprises.
C’est-à-dire avec des syndicats maison et des syndicats en position de
faiblesse», explique-t-il.
Selon lui, le FMI exige l’arrêt des conventions collectives issues de
la Seconde Guerre mondiale.
«Cela induit une renégociation des pactes
économiques et sociaux, un retour à l’entreprise, un emprisonnement des
travailleurs et une abrogation de tous les acquis sociaux. Lorsque Tayeb
Louh, ministre du Travail, ira à la tripartite, c’est pour abroger le
SNMG. Il ne faut pas se faire d’illusion : la révision de l’article 87
bis sera synonyme de l’esclavage. Cette révision vise à lever les
contraintes, y compris en écartant toute référence au SNMG. C’est une
voie ouverte à tous les abus possibles», alerte-t-il. Amar Belhimer
précise, dans ce sens, qu’il ne restera plus d’acquis pour les
travailleurs si «toutes les barrières sont levées dans cette situation
où le monde syndical est à genoux et où les pouvoirs publics mettent des
freins devant des syndicats agréés et les empêchent de se réunir».
Cette lecture de Amar Belhimer s’inscrit en contradiction avec les
explications euphoriques de l’UGTA et du gouvernement qui tentent de
faire croire que la révision de cette disposition sera «bénéfique pour
les travailleurs». Y a-t-il donc une volonté de tromper le monde du
travail en Algérie ? Il faut attendre la prochaine rentrée sociale pour
avoir le contenu de la révision proposée de l’article en question. Mais
elle n’est pas la seule régression en matière des droits économiques.
Selon le conférencier, l’Algérie a suivi la tendance mondiale enclenchée
à partir des années 1990.
«L’Algérie excelle dans la répression des travailleurs»
C’est à partir de cette date, explique-t-il, qu’on a assisté à
l’érosion et même l’extinction des droits économiques. «En Algérie, nous
avons quitté l’ancien droit hérité du colonialisme et reformaté par le
modèle national socialiste, sans pour autant tenir aux nouveaux droits.
Parce que nous n’avons pas encore réglé le problème de la propriété et
nous avons également une crise de contrat», soutient-t-il.
Outre l’insécurité juridique et l’absence d’un Etat de droit,
l’économiste déplore aussi la forte répression des syndicats en Algérie
et le recul sur le droit de grève dans le pays. «Le droit de grève est
également battu en brèche un peu partout dans le monde, y compris en
Algérie puisque la loi du 6 février 1990 autorise les pouvoirs publics à
recourir à la consultation de la commission nationale d’arbitrage pour
freiner l’exercice du droit de grève», illustre-t-il.
Afin de démontrer l’ampleur de la répression, le conférencier se réfère
au dernier classement de la Banque mondiale qui met l’Algérie à la 152e
place sur 185 pays en matière de climat des affaires. «Paradoxalement,
s’agissant d’un indicateur qui est le règlement de la solvabilité qui
permet à l’entreprise qui fait faillite de liquider ses salariés,
l’Algérie est bien placé (62e). Nous sommes très bons dans la répression
des travailleurs», commente-t-il, indiquant que le système basé sur le
partage de la rente a favorisé l’informel dans le pays.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire