Lundi 08 juillet 2013
Et s'il n'y avait plus rien à faire pour sauver l'humanité ?
S'il était déjà trop tard ? The Australian rapporte une interview bien
pessimiste du célèbre scientifique australien Frank Fenner. Pour lui,
nous avons déjà scellé le destin de l'Humanité : dans moins de 100 ans,
les sociétés humaines ne seront plus...
Dans une interview accordée au quotidien national The Australian, et
publiée le 16 Juin 2010, Frank Fenner, professeur émérite de
microbiologie à l'Université nationale australienne, prédit la
disparition de l'Humanité dans les 100 prochaines années.
Ce mauvais augure pourrait prêter à sourire, mais le scientifique de
95 ans a une carrière impressionnante : Membre de l'Académie des
sciences australienne et de la Royal Society, son travail a été
récompensé par de nombreux prix et il est l'auteur de centaines de
textes scientifiques. Il a notamment été impliqué dans la disparition du
virus responsable de la variole et dans la lutte contre la
surpopulation de lapins en Australie via l'introduction volontaire du
virus de la myxomatose dans les années 50.
Officiellement en retraite depuis des dizaines d'années, ce
scientifique renommé poursuit toujours ses travaux de recherche et ses
écrits, en se déplaçant quotidiennement à
l'institut de médecine John Curtin de l'Université nationale australienne, dont il fut directeur de 1967 à 1973.
Sa compréhension approfondie de l'évolution des espèces n'a jamais
entamé sa fascination pour l'observation sur le terrain. Du niveau
moléculaire aux planètes, Frank Fenner s'intéresse à tous les
écosystèmes. Il a commencé à publier ses premières études
environnementales au début des années 70 lorsque l'impact des sociétés
humaines sur notre planète devenait problématique.
De quoi inspirer confiance, ou au moins de l'intérêt pour ses déclarations.
"Nous allons disparaître. Quoique nous fassions maintenant, il est trop tard"
Cette affirmation de Frank Fenner a de quoi inquiéter, d'autant plus
qu'il ne s'agit pas d'une vision sur des millions d'années mais d'une
prédiction pour le siècle en cours !
Pour Frank Fenner et d'autres scientifiques reconnus comme Paul
Crutzen, prix Nobel de chimie, la Terre est entrée dans une nouvelle
époque géologique, l'
Anthropocène,
depuis 1800 avec la révolution industrielle et l'exploitation massive
des combustibles fossiles. Cette nouvelle époque géologique succéderait à
l'Holocène débuté il y a dix mille ans.
Bien que non officielle sur
l'échelle des temps géologiques, l'Anthropocène a été admis dans la
terminologie scientifique et correspond au moment où les Hommes ont pu
rivaliser avec les forces de la nature dans la capacité à modifier
l'écosystème de la Terre.
En effet, nos activités
réchauffent le climat planétaire d'une ampleur aussi importante que les grands cycles naturels et nous entamons la sixième extinction massive de
la biodiversité,
avec une vitesse sans doute plus rapide encore que celle qui a conduit,
il y a 65 millions d'années, à l'extinction des dinosaures suite à la
chute d'un astéroïde, comme le souligne Eric Lambin, membre de
l'Académie des sciences des Etats-Unis[1]...
L'explosion démographique en cause : "il y a déjà trop de monde"
A l'origine de ces déséquilibres planétaires qui menacent la survie
même de l'Humanité, Frank Fenner incrimine l'explosion démographique et
la "consommation effrénée".
Selon l'ONU, le nombre d'humains a dépassé les
7 milliards
en 2011. Vu l'inertie de nos sociétés et décideurs politiques sur
l'urgence et l'importance des mesures à prendre pour diminuer les
émissions de gaz à effet de serre, Fenner demeure pessimiste : "
Nous
allons subir le même sort que les personnes sur l'île de Pâques. Le
changement climatique ne fait que commencer. Mais nous pouvons déjà voir
des changements remarquables dans la météo."
"Les Aborigènes nous ont montré qu'en l'absence de science et
d'émissions de dioxyde de carbone responsables du réchauffement
climatique, ils pouvaient survivre pendant 40 000 à 50 000 ans. Mais
notre monde ne le peut pas. L'espèce humaine est susceptible de prendre
le même chemin que beaucoup d'espèces que nous avons déjà vu disparaître." déclare t-il dans son interview.
"Homo sapiens devrait disparaître, peut-être dans 100 ans", dit-il. "Un grand nombre d'autres animaux également. C'est une situation irréversible. Je
pense qu'il est trop tard. J'essaie de ne pas trop le dire car il y a
des gens qui essaient de faire changer les choses. Les efforts de
réduction ralentissent un peu les choses, mais il y a déjà trop de monde [sur Terre]" ajoute-t-il.
L'explosion démographique et ses corollaires : la boulimie
énergétique, productiviste et consumériste mènent l'humanité à sa
perte. Ce constat, tabou, est pourtant de plus en plus partagé par
certains scientifiques et de plus en plus évoqué, mais étouffé par les
sceptiques sur le changement climatique et une partie des personnes
croyantes pour qui la reproduction est une recommandation divine,
souligne Frank Fenner.
Un peu d'optimisme avant le naufrage de l'Humanité ?
Stephen Boyden, collègue et ami de Fenner, pense qu'il y a un profond
pessimisme chez certains écologistes, mais que d'autres sont plus
optimistes : "Frank a peut-être raison, mais certains d'entre nous
nourrissent encore l'espoir que la situation entraînera une prise de
conscience et, par conséquent, les changements révolutionnaires
nécessaires pour atteindre la durabilité écologique".
Malheureusement, cette prise de conscience radicale, tant attendue
depuis des années, ne se manifeste pas ou de manière marginale.
Stephen Boyden ajoute : "C'est là que Frank et moi sommes
différents. Nous sommes tous deux conscients de la gravité de la
situation, mais je n'accepte pas qu'il soit forcément trop tard. Bien
qu'il y n'ait qu'une lueur d'espoir, cela vaut la peine de résoudre le
problème. Nous avons la connaissance scientifique pour le faire, mais
nous n'avons pas la volonté politique."
A ce titre, Frank Fenner a ouvert le 23 juin 2010 le symposium "
Healthy Climate, Planet and People"
à l'Académie australienne des sciences. Cette conférence vise justement
à combler le fossé entre la science et les politiques
environnementales.
En conclusion de son interview, Frank Fenner, qui a pourtant eu
l'honneur d'annoncer l'éradication mondiale de la variole à l'ONU en
1980, contemple avec dépit le chaos de l'espèce humaine au bord de
l'extinction de masse : "Les petits enfants des générations actuelles vont être confrontés à un monde beaucoup plus difficile..."
Notes
- La Terre sur un fil, Eric Lambin - Le Pommier, 2010
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