Jeudi 11 juillet 2013
Le 9 décembre 2013 est une date décrétée par les Nations unies comme
Journée internationale de lutte contre la corruption. Comment l’Algérie
présentera-t-elle son rapport ? Car, le terrorisme bureaucratique et la
corruption socialisée en Algérie menacent la sécurité nationale et par
là contribuent, en dehors du préjudicie moral, au blocage de
l’investissement utile. Et les scandales récents du programme de
développement agricole PNDA, de différentes banques, de la route
Est/Ouest, de Sonelgaz, de Sonatrach en sont les exemples vivants mais
qui concernent également bons nombres de ministères et de wilayas.
 |
| Sous le règne du clan des Bouteflika, l'Algérie a plongé dans le marigot de la corruption. |
Il faut une cohérence et visibilité dans
la démarche, s’attaquer à l’essentiel et non au secondaire car avec la
corruption combinée à la détérioration du climat des affaires, selon la
majorité des rapports internationaux, il est utopique de parler d’une
véritable relance économique.
1.- Qu’en est-il du
classement sur la corruption de l’Algérie de 2003 à 2013 selon
Transparency International ? Le tableau qui suit note que n’existe
aucune amélioration entre 2003 et 2013.
2003 : 2,6 sur 10 et 88e place (sur 133 pays)
2004 : 2,7 sur 10 et 97e place (sur 146 pays)
2005 : 2,8 sur 10 et 97e place (sur 159 pays)
2006 : 3,1 sur 10 et 84e place (sur 163 pays)
2007 : 3 sur 10 et la 99e place (sur 179 pays)
2008 : 3,2 sur 10 et 92e place (sur 180 pays)
2009 : 2,8 sur 10 et 111e place (sur 180 pays)
2010 : 2,9 sur 10 et 105ème place (sur 178 pays)
2011 : 2,9 sur 10 et 112ème place ( sur 183 pays)
2012- 3,4 sur 10 et 105e place (sur 176 pays)
2013- Transparency International (TI) a
rendu public le 9 juillet 2013, son baromètre mondial de la corruption
2013 où l’Algérie occupe le 105e rang sur les 107 pays concernés par le
sondage soit deux places avant le dernier où aucun secteur d’activité,
aucune corporation ou institution n’est épargné par ce cancer de la
corruption. Ainsi, 74% des Algériens pensent que le milieu des affaires
est gangréné par la corruption. La justice algérienne est discréditée
aux yeux des citoyens, 72% des Algériens considérant que les instances
judiciaires sont affectées par la corruption, contre 67% et 62%
concernant les partis politiques et le Parlement. Les résultats obtenus
par l’Algérie s’expliquent par l’absence de volonté politique au plus
haut niveau de l’État à lutter contre la corruption » selon les rapports
2003/2013. Dans le registre des transactions commerciales
internationales, le communiqué de l’AACC note que l’Algérie "ne commerce
presque pas avec les 10 pays les moins corrompus dont le Danemark, le
Singapour, la Finlande, la Suède, le Canada, la Suisse et la Norvège".
L’on sait que les auteurs de l’IPC considèrent qu’une note inférieure à 3
signifie l’existence d’un "haut niveau de corruption au sein des
institutions de l’Etat" et que des affaires saines à même d’induire un
développement durable ne peuvent avoir lieu, cette corruption favorisant
surtout les activités spéculatives. La sphère informelle produit des
dysfonctionnements du système, ne pouvant pas la limiter par des décrets
et lois mais par des mécanismes de régulation transparents, existant
des alliances entre le pouvoir bureaucratique et cette sphère contrôlant
plus de 40% de la masse monétaire en circulation, alliances qui
favorisent cette corruption qui tend à se socialiser. Ces rapport
insistent sur la nécessaire transparence pour restreindre la tendance de
cette sortie de fonds et également la concertation internationale
autour de ce phénomène, car, s’il y a des pays corrompus il y a
forcément des pays plus corrupteurs que d’autres, les rapports citant
notamment la Chine, la Russie, l’Inde qui utilisent des pots de vins.
2.- Si la corruption
existe dans tous les pays du monde, comme en témoigne les scandales
financiers mis en relief pendant l’actuelle crise mondiale, et s’il y a
des corrompus existent forcément des corrupteurs impliquant une
moralisation des relations internationales, elle est relativement faible
en rapport à la richesse globale créée. En Algérie elle s’est
socialisée touchant toutes les sphères de la vie économique et sociale
remettant en cause la sécurité nationale du pays, devant aller vers le
contrôle démocratique de deux segments stratégiques la production de la
rente des hydrocarbures ( Sonatrach) et la distribution de la rente des
hydrocarbures (tout le secteur financier) puisque l’ensemble des
secteurs publics et privés sont irrigués par cette rente.. L’extension
de la sphère informelle, n’est que le produit du terrorisme
bureaucratique, qui tire sa puissance de l’existence de cette sphère
puisque fonctionnant dans un espace de non droit et favorisant la
corruption où tout se traite en cash. Comme je l’ai rappelé souvent, la
lutte contre la mauvaise gestion et la corruption renvoie à la question
de bonne gouvernance, de démocratie, de la rationalisation de l’Etat
dans ses choix en tant qu’identité de la représentation collective.
Concernant l’aspect économique en Algérie il faut se demander pourquoi
le faible impact de la dépense publique programmée entre 2000/2013,
environ 500 milliards de dollars (part dinars et devises) sur la sphère
économique et donc sur la sphère sociale avec un impact par rapport aux
autres pays de la région MENA qui ont des résultats supérieurs avec
trois fois moins de dépenses : corruption, surfacturation ou mauvaise
gestion des projets ? Le constat également est l’inefficacité des
institutions de contrôle et des Ministères où nous assistons à une
gestion administrative avec différentes interférences où souvent les
gestionnaires ne sont pas libres de manager leurs entreprises. Sont-ils
réellement les seuls responsables ?
3.- La lutte contre la
corruption n’est pas une question de lois ou de commissions (l’Algérie
ayant les meilleurs textes du monde), vision bureaucratique autant que
la lutte contre la hausse des prix comme si revoir récemment les statuts
du conseil national de la concurrence qui d‘ailleurs n’a jamais
fonctionné depuis sa création, comme ce gel inexplicable de la Cour des
comptes pendant des années. Ce sont les pratiques d’une culture
dépassée, l’expérience en Algérie montrant clairement que les pratiques
sociales quotidiennement contredisent le juridisme. Il est utile de
rappeler que les pouvoirs publics ont toujours clamé qu’ils se donnaient
pour objectif de combattre la corruption, la bureaucratie dévalorisant
le couple intelligence/ travail sur lequel doit reposer tout
développement fiable. Ce rêve si cher à tous les Algériens sera t-il
réalisé ? Comment mobiliser les citoyens au moment où certains
responsables au plus haut niveau ou leurs proches sont impliqués ou
supposés impliqués dans les scandales financiers et peuvent-ils avoir
l’autorité morale auprès tant de leurs collaborateurs que de la
population algérienne ? En fait la lutte efficace contre la corruption
implique d’avoir un système judicaire indépendant avec une moralité sans
faille des juges, d’éviter les luttes d’influence des différentes
instituions de contrôle tant techniques que politiques avec une
coordination unique indépendante concernant l’utilisation des deniers
publics. La mise en place du contrôle est tributaire d’un management
efficace des instituions, des comptabilités publiques claires et
transparentes pour la rationalisation des choix budgétaires afin
d’optimaliser l’effet de la dépense publique, les universités et les
centres de recherche étant interpellés pour produire des instruments de
calculs adéquats. La pleine réussite de cette entreprise qui dépasse
largement le cadre strictement technique, restera tributaire largement
d’un certain nombre de conditions dont le fondement est la refonte de
l’Etat au sein d’une économie mondiale de plus en plus globalisée et des
grands espaces, et une concertation permanente entre les différentes
forces sociales politiques, économiques et sociales loin de toute vison
d’autoritarisme, vison largement dépassée, conditions stratégiques qui
doivent constituer les éléments fondamentaux de la nouvelle gouvernance.
4.- Aussi, sur le plan
interne, il s’agit d’engager les véritables réformes politiques,
économiques et sociale pour une société de liberté plus participative et
citoyenne fondée sur des entreprises compétitives dans le cadre des
avantages comparatifs mondiaux, par la prise en compte de
l’environnement et de la qualité de la vie pour un espace plus équilibré
et solidaire qui doivent impérativement toucher : le système politique
rentier, centre névralgique de la résistance au changement et à
l’ouverture ; la réforme de la justice par l’application et l’adaptation
du Droit tant par rapport aux mutations internes que du droit
international ; le système éducatif, la mère des réformes, dont le
niveau s’est totalement effrité, et non adapté, centre d’élaboration et
de diffusion de la culture et de l’idéologie de la résistance au
changement et à la modernisation du pays ; une nouvelle gestion des
stratégies sociales et la mise en place de nouveaux mécanismes de
régulations sociales devant revoir la gestion des caisses de retraite et
de la sécurité sociale, qui risquent l’implosion en cas de chute des
recettes des hydrocarbures, les subventions ciblées devant dorénavant
être budgétisées non plus au niveau des entreprises mais sur le budget
de l’Etat ; la réforme du système financier qui est un préalable
essentiel à la relance de l’investissement productif national et
étranger, les banques publiques et privées étant au cœur d’importants
enjeux de pouvoir entre les partisans de l’ouverture et ceux de
préservation des intérêts de la rente. Elle est considérée, à juste
titre, comme l’indice le plus probant de la volonté politique des Etats
d’encourager l’entreprise qu’elle soit publique ou privée nationale ou
internationale créatrice de valeur ajoutée condition d’une transition
d’une économie de rente à une économie productive et enfin la
démocratisation des secteurs sources de rente (secteur des hydrocarbures
et gestion active des réserves de change), objet de toutes les
convoitises.
5.- La stagnation de
l’Algérie en 13 ans de notation par l’indice de perception de la
corruption (2003-2013) est significative de la généralisation de la
corruption qui menace gravement la stabilité et la sécurité du pays.
Ainsi selon le rapport annuel du 29 mai 2013 établi par la Banque
africaine de développement (BAD) et l’ONG américaine Global Financial
Integrity (GFI), il ya eu entre 1980 et 2009 pour l’Algérie 173
milliards de dollars de capitaux transférés illicitement. Cela concerne
surtout les surfacturations ce qui équivaut à un transfert indirect de
la rente des hydrocarbures. Si l’on ajout les mêmes tendances entre
210/2013, nous aurons un montant qui égale les réserves de change
actuels cumulées estimées le premier trimestre 2013 à environ 190
milliards de dollars non compris les réserves d’or de 173 tonnes dont le
stock officiel déclaré d’ailleurs stagne depuis 2009 alors qu’il ya une
production dans le Sud du pays. En mettant en place un pouvoir
concentré sans contre-pouvoirs, en gelant les institutions de contrôle
tant politiques que techniques dont notamment le conseil national de
l’énergie, la Cour des Comptes, les autres organes qui se télescopent
dépendant de l’exécutif étant donc juge et partie, et en déversant la
somme faramineuse sur le marché, il fallait inévitablement s’attendre à
l’apparition de prédateurs tant locaux qu’étrangers et à une
accélération de la corruption inégalée depuis l’indépendance politique,
l'action des services de sécurité ne pouvant être que ponctuelle. En
fait, la lutte contre la corruption implique un véritable Etat de Droit
une nouvelle gouvernance si l’on veut combattre efficacement la
corruption qui gangrène tout le corps social et qui tend malheureusement
à être banalisée alors qu’elle constitue le plus grand danger pour la
sécurité nationale, pire que le terrorisme qu’a connu l’Algérie entre
1990/2000. D’où des inquiétudes pour l’avenir de l’Algérie qui pourtant a
des potentialités, pour peu qu’existe une nette volonté politique
d’axer le développement sur les deux fondamentaux du XXIème siècle un
Etat de droit et la démocratisation tenant compte de notre anthropologie
culturelle et la valorisation du savoir au sein d’une économie de plus
en plus globalisée comme l’attestent les expériences réussies des pays
émergents.
Sans l’amélioration de la gouvernance
supposant une grande moralité de ceux qui dirigent la Cité, sinon leurs
discours équivalent à des slogans creux, il ne faut pas s’attendre à une
dynamisation de la production et des exportations hors hydrocarbures,
donc un profond réaménagement des structures du pouvoir assis sur la
rente, dont la seule fonction est de dépenser sans compter pour acheter
une paix sociale éphémère, dépense sans contreparties productives qui
anesthésie toute la société. Le futur président de la république devra
être avant tout une femme ou un homme d'une très haute moralité, entouré
de femmes et d'hommes nouveaux également d'une très grande moralité
avec une nouvelle architecture institutionnelle reposant sur de
véritables contre-pouvoirs démocratiques, si l'Algérie veut dépasser la
crise multidimensionnelle à laquelle elle est confrontée au sein d'un
monde turbulent et instable préfigurant d’importants bouleversements
géostratégiques
Dr Abderrahmane Mebtoul, expert international Professeur des universités
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire