Mercredi 25 septembre 2013
Exercice d’analyse en économie politique
Aujourd’hui, travail d’apprentissage ardu. Il s’agit de lire à l’endroit
un texte écrit à l’envers, aporie
d’une star de l’économie qui pollue les ondes télé et radio, tout comme ses
collègues encombrent les cahiers économiques des journaux qui chaque semaine
vous abreuvent de leurs inepties alambiquées (1) [Le blogue d’Olivier Berruyer
http://www.les-crises.fr/].
Commençons notre décomposition analytique par le Tableau 1,
explicite.
«
Cinq ans après la faillite de Lehman Brothers, le capitalisme de connivence
(sic) se porte comme un charme.
Le 15
septembre 2008, faillite de Lehman Brothers, stupeur et tremblements.
Gouvernements et banques centrales se précipitent pour sauver la finance et donc
l'économie (sic). Le terme d'"économie
irréelle", popularisé par le philosophe altermondialiste Patrick Viveret, se
répand.».
TABLEAU 1
|
2008
|
2012
|
Volume des produits dérivés négociés hors cote
$
|
516 000 MM $
|
708 000 MM $
|
Endettement des pays de l'OCDE (les
riches)
|
75%
|
105%
|
Déficit des pays de l'OCDE en % de leur
PIB
|
3,5%
|
5,5%
|
|
|
31 Lehman B.
|
De 13 à 85
|
Bilans des banques centrales Fed et BCE (créances pourries
échangées contre de l'argent du néant)
|
900 MM$ 1400 MM €
|
3 000 MM$ 3 000 MM €
|
|
|
0,5 %
|
-,1 %
|
|
|
2,7 %
|
3,2 %
|
|
|
5,9 %
|
8 %
|
Réserves de change mondiales
|
4 000 MM $
|
11 200 MM $
|
Réserves de change de la Chine
|
1 900 MM $
|
3 500 MM $
|
Que signifient ces chiffres, demande l’expert ?
« Tous
ces chiffres -(Tableau 1)- ces milliards et ces pourcentages - représentent-ils
l'économie réelle ou l'économie irréelle ? La seule
évolution positive serait la croissance mondiale, mais on sait que dans les
chiffres du PIB rentre la dette. Cette croissance du PIB est-elle donc réelle ou
illusoire ? »
Où est l’erreur commise par l’économiste en herbe ? Simple, l’économie « irréelle » ça n’existe
pas. C’est une métaphore colportée par les papagayos. Toute opération
industrielle-commerciale-boursière-économique est réelle ou elle n’est pas.
Pire, toute action-transaction est comptabilisée – créditée au vendeur et
débitée à l’acheteur –. La marchandise quitte réellement le port de Shanghai et
entre réellement au port de Los Angeles. Si l’économiste veut indiquer que le
dollar américain, qui sert à payer cette transaction, ne vaut rien (dans le sens
d’une monnaie de singe) alors qu’il le dise ainsi – ça ne constitue pas de
l’économie «irréelle» mais du commerce frauduleusement réel, une
arnaque, dont nous verrons tantôt l’inévitable conséquence.
Monsieur l’expert a tout faux. Les politiciens et les technocrates sont
totalement incapables d’influencer ce qu’il appelle l’économie réelle. Ils
sont des pions entraînés malgré eux par les lois nécessaires du développement
impérialiste. Sur ces lois personne n’a aucun pouvoir – le mode de production et
les rapports de production capitalistes fonctionnent ainsi et dans leur course
au profit maximum ils entrainent le système à sa perte inexorable. L’expert
économiste poursuit…
«
Depuis des années les pays développés importent des biens et
services en provenance des pays dits émergents et exportent de la dette
libellée dans leur monnaie.
Ainsi
le monde s'est divisé en pays chroniquement exportateurs qui
détiennent des "réserves de change"
en dollars et en euros et en pays
chroniquement importateurs qui exportent de la dette. Les réserves de change
des banquiers centraux ne sont pas des liasses de billets. Ce sont bien des
titres de dettes libellées en dollars et en euros.
».
Que voilà un récit précis !
Vous voyez bien que l’on traite d’économie réelle – l’expert est assez
lucide pour convenir que le créditeur se retrouve avec des obligations, des
lettres de change n’ayant aucune valeur car le débiteur le paie en monnaie de
singe – qu’il n’honorera jamais puisqu’il est virtuellement déjà en faillite.
Les USA avec leur immense dette (16 400 milliards seulement pour le gouvernement
fédéral) ne pourront jamais rembourser car ils ne produisent pas suffisamment de
marchandises ayant une valeur marchande (du temps de travail et de la plus-value
cristallisée). Ce n’est pas de l’économie irréelle, c’est une arnaque bien
réelle que de voir un emprunteur qui inonde ses créanciers de papier monnaie
dévalué.
«
Nous avons donc d'un côté des pays émergents
et des pays producteurs de pétrole. Ce côté a accumulé des créances = de
l'argent en devenir si toutefois les crédits sont remboursés par leurs réputés
riches clients. Nous
avons de l'autre côté des pays réputés riches. Ce côté a accumulé des dettes -
une promesse de payer un jour - contre de la consommation = du pétrole déjà
brûlé, (…)».
Encore une fois l’expert désigne le monstre mais il ne le démasque pas.
Quelle sera la résultante de cet immense vol international ? La Chine, la
Russie, l’Inde, le Brésil, les poches pleines de monnaie américaine et
européenne sans valeur face aux États-Unis, l’Europe occidentale, le Japon
redemandant sans cesse d’autres marchandises que ces anciennes puissances coloniales ne savent plus elles-mêmes
produire, ayant délocalisé leur production vers les pays ateliers. Admirez le
rire jaune de leurs créanciers nouveaux impérialistes floués, mais enchaînés au
char des débiteurs endettés? Il y a péril en la demeure.
A qui profite ce système moribond ?
« Depuis
2008, le système s'est emballé. Mais dans ces échanges qui s'est enrichi ? Qui est le plus
prospère ? Celui qui doit de l'argent, le débiteur ou au contraire celui à qui
on en doit, le créancier ?
Personne
ne peut dire à qui ce système profite. Le débiteur a consommé mais le créancier
verra-t-il son argent ?».
Le lâche petit boursicoteur – assez prétentieux pour décrire le coup
fourré mais trop lâche pour l’expliquer.
À l’évidence les pays qui prêtent des milliards à des mendiants sont déjà
floués. Quand pourront-ils recouvrer leurs deniers ? Jamais ! Personne ne
profite de ce système financier-boursier-flibustier. Le créditeur et
l’emprunteur sont filoutés. La seule différence étant que le débiteur (le pays
impérialiste en déclin) consomment des marchandises qu’il ne paiera jamais, et
les monopoles occidentaux empochent des profits (car 50% des exportations
chinoises sont le fait d’entreprises occidentales installées en Chine) en
monnaie de pacotille qu’ils ne verront jamais. Idem pour les pays impérialistes
ascendants.
Mais le pire dans tout ce processus où le voleur se dupe lui-même, c’est
que nul n’y peut rien. C’est le mode de
production capitaliste qui fonctionne ainsi et de plus on peut déjà
percevoir le moment où cette non valorisation du capital – le capital devant
impérativement s’investir pour se reproduire de manière élargie, c’est-à-dire
produisant de la plus-value – la machine économique s’enrayera durablement parce
qu’incapable de s’oxygéner de nouveaux capitaux valorisés.
La mystification ultime, « La cause profonde » de cette crise
!!!
«
La cause profonde de cette crise n'est pas à
chercher dans des taux d'intérêt
inadaptés ou une question de masse
monétaire. Nous pensons que la cause
profonde de cette crise est la "monnaie-dette" manipulée par les banques
centrales.
Si
toutes les transactions passées avaient été effectuées avec de la "monnaie-marchandise", la réponse à ma
question "qui est riche ?" serait simplissime. Ce serait sans hésitation celui
qui détient la "monnaie-marchandise" car il aurait un stock de quelque chose
qu'il serait certain de pouvoir utiliser un jour. Inversement, les pays de
l'OCDE auraient eu à se préoccuper de se procurer de la "monnaie-marchandise" nécessaire aux
échanges et pour cela se livrer à une activité véritablement
productive.
Mais
qu'est-ce qu'une "monnaie-marchandise", vous demandez-vous ? L'or, l'argent, l'ambre, l'huile de
baleine, le sel, choisissez... Tout ce qui possède une valeur intrinsèque et
est facilement reconnaissable, fractionnable et échangeable. Les gens se sont
assez souvent mis d'accord sur l'or et l'argent (…).
».
Voici étalée dans toute sa vacuité, à travers une dense allégorie, toute
la flagornerie de ces experts ignares en qui chaque lecteur du cahier économique
de La Presse place sa complaisance.
La «valeur intrinsèque» ça n’existe pas.
En 1864, Marx, que d’aucuns disent dépassé,
et que seul un dogmatique oserait encore évoquer, a démonté cette fourberie,
bien avant que les pseudos-experts qui veulent l’enterrer ne soient nés. Le
trader resquilleur propose tout simplement de revenir au troc – à l’échange de
monnaie-marchandise contre de la monnaie-marchandise (du pain, des souliers, des
automobiles, des haches, de l’essence). Ce fut le premier artefact du féodalisme
dont se débarrassa le système mercantiliste précapitaliste que cette
«monnaie-marchandise» impraticable.
Vous vous voyez au dépanneur, quatre poulets à la ceinture, troquant une
bouteille de liqueur et un sac de croustilles. Devant vous un homme portant un
lot de planches négociant l’achat
d’un carton de bière. Le système capitaliste a inventé UNE marchandise universelle – la
péripatéticienne financière-la
monnaie par excellence or, argent et papier, afin de faciliter les transactions
commerciales et l’échange de toutes marchandises contre toute autre marchandise.
La monnaie reconnaissable, fractionnable
et échangeable, cette marchandise unique – étalon et entremetteuse –
représentante de la valeur marchande. La monnaie marchandise existe déjà,
monsieur l’analyste, et c’est elle qui sans le vouloir vous entraine vers le
mouroir. Le manant ignorant
poursuit son galimatias :
«
Inversement, vous avez remarqué que la
"monnaie-dette" doit avoir "cours
légal". On vous force à accepter un bout de papier avec une marque d'un Etat
dans un périmètre donné. Hélas
pour nous, la "monnaie-marchandise" ne convient pas à un système capitaliste
dévoyé, un capitalisme de copinage, de
connivence, de manipulation ou d'Etat. La "monnaie-marchandise" pourrait
appartenir à tout le monde, serait trop
démocratique, pas facilement manipulable (…) ».
C’est qu’il est en colère le compère. La monnaie dette ça n’existe évidemment
pas. Il y a la dette, libellée en devise, et la bonne fortune consiste à savoir
quel est l’état de santé de l’économie qui est derrière cette monnaie
(c’est-à-dire de savoir si dans cette économie les profits sont «valorisés» ou
s’ils sont dilapidés ou encore thésaurisés, ce qui revient au même car du
capital qui ne rapporte pas de profit est du capital mort, en putréfaction.
Le voilà s’approchant de son objectif ultime, à pas comptés le petit
commis – l’air effrayé d’imaginer la vérité dont il s’apprête à vous révéler la
complexité. Si « L’économie » capitaliste ne fonctionne pas c’est la faute aux capitalistes roublards,
filous, malhonnêtes, dévoyés et de connivence, rage-t-il. C’était donc là
son secret de polichinelle?
L’Hypocrite petit complice. Le
capitalisme ne peut fonctionner différemment que de la manière qu’il
fonctionne. La finalité de ce mode de production n’est pas de distribuer de
la richesse à tout vent et à tout venant et de provisionner chaque être humain
des biens que ses besoins réclament. La finalité de ce système économique est de
reproduire le capital enrichi – surmultiplié – riche – de nouvelles plus-values
à faire fructifier, et la roue sempiternelle recommence. Elle fonctionne
l’économie impérialiste, maître corsaire, cessez de la vilipender ; elle
fonctionne très bien mais sa marche funèbre la dirige droit vers le cimetière.
Ce système économique en crise systémique a livré ce qu’il pouvait en
productivité et en marchandises dévaluées et aujourd’hui il est impératif, non
pas de le RÉFORMER, ce qui est un vœu futile mais de le renverser.
Un autre système économique ?
«
Revenons donc à notre triste sort. Le
pays qui a le plus à perdre avec l'aggravation de la crise est évidemment la
Chine avec ses 3 500 milliards de
dollars de réserves de change au
30 juin 2013. Ce n'est jamais plaisant de savoir qu'on s'est fait rouler pour
une grande puissance armée. Au
dernier G20, la Chine a lancé l'idée d'un fonds de réserve monétaire commun aux
BRIC, pendant que les lobbyistes va-t-en-guerre contre la Syrie s'affairaient en
espérant plus de déficits et de "monnaie-dette"
pour faire tourner des usines d'armement et l'industrie bancaire. Brésil,
Russie, Inde et Chine… Serait-ce le début d'un autre système
?
»
Non ! Oh que non ! Ce n’est
pas le début d’un «autre» système. La panacée a déjà été essayée et elle n’a
jamais fonctionné (Banque Mondiale, FMI ça vous dit quelque chose monsieur
l’économiste?). Plus de crédit en
monnaie frauduleuse et sans valeur, plus de mesures d’assouplissement
quantitatif (QE) étasuniennes et européennes pour renflouer le bateau ivre de
l’impérialisme donnera exactement le même résultat que précédemment.
C’est-à-dire plus d’inflation monétaire et davantage de dévaluation des monnaies
par lesquelles tous les petits épargnants, les retraités, et les ouvriers
salariés sont floués chaque année, leur pouvoir d’achat s’asséchant comme du
parmesan !
L’affrontement inter impérialiste pendant le G20
paralysé
De fait, ce G-20 (2013) fut effectivement fort intéressant mais pour des
raisons très différentes que votre appétence pour les recettes économiques
magiques, monsieur le gigolo. Ce G-20 fut le tout premier où l’alliance des
puissances déclinantes (États-Unis, France, Royaume-Uni, Allemagne, Japon,
Canada, Italie) de la face moribonde de l’impérialisme international s’est vue
mettre en échec par l’alliance des
puissances montantes (Chine, Russie, Brésil, Inde) et leurs affidés ? Ceux
qui espèrent encore tirer leur épingle de ce jeu de poker menteur financier se
leurres. Les États-Unis, le quêteux
de service, mis hors service sur le plan économique, ne s‘intéressait pas aux
propositions économiques avancées par la Chine, et jouait le matamore militaire
– menaçant ignoblement de bombarder le peuple d’une néo-colonie de la Russie
(Syrie) afin de bien démontrer à tous
ses créanciers de quelle façon allait se terminer cette épopée de la ‘dette
souveraine’ américaine que ces gueux de Wall Street ne veulent ni ne peuvent
rembourser.
Quelle décision a fait tourner court aux menaces de bombardements ? Cette décision
financière-boursière-monétaire s’est prise loin des caméras, à votre insu, mais
elle a fait reculer le monstre étasunien et la France
impudente.
Concluons ce drame shakespearien. Le dernier G-20 (2013) nous fournit
matière à réflexion. Les pays débiteurs ne peuvent rembourser. Les pays
créanciers ne peuvent bombarder ces pays endettés pour les forcer à payer. Comme
les États-Unis et la France et le Royaume-Uni l’ont démontré, ils sont
déterminés à faire usage de la force (pour l’instant contre des tiers-parties
comme la Syrie, mais demain ce sera directement contre les pays du BRICS) si ces
pays tentent de les forcer à rembourser.
Cependant, les endettés hésitent entre deux solutions drastiques. La première : lancer une offensive
militaire après l’autre jusqu’à ce que la Chine, leur cible ultime, ait renoncé à son dû,
ce qui de toute façon n’arrangera rien. De quoi sera fait le lendemain du
Canossa chinois?
La seconde : chacune de ces jadis grande puissance se
partage les activités économiques que les monopoles chinois accepteront de leur
sous-traiter, alors que les richesses immobilières étasunien, français,
britannique, italien, espagnole, canadien, changeront de main, prochainement
administrés par leurs nouveaux propriétaires chinois, indiens, iraniens et même
qataris et saoudiens. Je ne saurais vous dire l’option qu’ils choisiront.
À Moscou en septembre 2013 le
monde est entré dans une nouvelle période d’équilibre de la terreur. Non pas
la terreur nucléaire, mais la terreur financière ou deux camps impérialistes
dits «néo-libéraux», l’un endetté, désindustrialisé, décadent, armé jusqu’aux
dents. Face à un monde impérialiste ascendant, créancier, où le capital produit
de la plus-value ouvrière expropriée en grande quantité et qui entretient son
ex-suserain sous peine de
s’effondrer avec lui.
Robert Bibeau
_____________________________________________________
(2) http://www.les-crises.fr/les-cinq-stades-de-l-effondrement/
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire