Vendredi 27 septembre 2013
Face à la crise politique que traverse actuellement l’Algérie, «la plus
grave depuis 1992», ils dénoncent tous une lutte pour le pouvoir au
détriment de l’intérêt national.
El Watan Week-end a donné la parole aux partis politiques et à la
société civile, qui, contrairement à 2008, ont décidé de faire entendre
leur voix.
- Moussa Touati. Président du Front national algérien : faire partir le Président par tous les moyens ?????
Le Président ne gère plus que les intérêts de sa famille et a abandonné
la gestion des affaires de l’Etat. Il y a manifestement un plan pour
provoquer une explosion sociale dans le but de pouvoir maintenir le
Président dans ses fonctions. Cette poignée de fidèles estime que le
Président doit rester jusqu’à son décès pour être enterré dans le carré
des martyrs. Au FNA, nous estimons qu’il est aujourd’hui caduque de
demander l’application de l’art.88 de la Constitution. Il faut, dans
l’intérêt du peuple et de ses institutions, le faire partir par tous les
moyens.
- Abderrazak Makri. Président du MSP : la classe politique n’a rien à voir avec cette course au pouvoir
Nous appellons le gouvernement à être plus transparent et à dire
pourquoi le Conseil des ministres a été annulé. Si c’est pour des
raisons de santé, alors parlons-en, rendons le dossier médical du
Président public ! Combien de temps peut-on continuer dans une situation
pareille ? L’Algérie est en crise sociale, économique et politique. Il y
a de quoi s’inquiéter pour les mois à venir. Nous assistons à une
course au pouvoir à laquelle la classe politique n’a rien à voir.»
- Abelaziz Belaïd. Président du Front El Moustakbal : ni les partis ni le système ne sont prêts pour des élections
Nous sommes à six mois de la présidentielle et il ne se passe
absolument rien sur le terrain. On ne sait pas si les changements au
sein du gouvernement et de l’armée sont de véritables changements. On
voit bien que l’activisme des ministres ne répond à aucun objectif. Ni
les partis ni le système ne sont prêts pour des élections. Bref, le
pouvoir est vacant et tout est bloqué. Il y a de quoi s’inquiéter, car
même les citoyens sont désorientés.»
- Abdelouahab Fersaoui. Président du RAJ : nous devons amorcer un processus de changement
Le débat est focalisé sur ce qui se passe entre la Présidence et le
DRS. Or, dans ce jeu, le peuple algérien est perdant. Personne n’a
intérêt à ce que l’un ou l’autre clan gagne. L’Algérie est dans une
impasse et nous devons amorcer un processus de changement. C’est-à-dire
faire en sorte que ces élections soient transparentes et démocratiques,
contrairement à toutes celles qui se sont déroulées depuis cinquante
ans. Nous avons besoin d’un Président qui soit issu de la volonté du
peuple. Malheureusement - et la volonté de réviser la Constitution le
prouve - il n’y a pour l’instant aucun signe clair que le gouvernement
veut redonner la parole aux Algériens. Il ne lui donne même pas la
possibilité de comprendre ce qui se passe, il y a une ambiguïté totale
dans la gestion des affaires publiques. La société civile, dont le RAJ
fait partie, est fragilisée, mais nous essayons de résister. Il est
temps pour nous de ne nous positionner, de prendre des initiatives pour
nous imposer comme un véritable contre-pouvoir face au rouleau
compresseur du pouvoir répressif.»
- Abdelaziz Rahabi. Ancien ministre : passer du pouvoir personnel à celui des institutions
Le système produit lui-même les conditions de la crise : c’est notre
mode de gouvernance qui est en cause. Le système doit se réformer et
passer du pouvoir personnel à celui des institutions. Nous sommes
actuellement dans le scénario de la succession de Bourguiba, avec un
transfert du pouvoir du Président à son entourage. Dernier exemple de
cette tentation totalitaire : le Parlement a décidé, en outrepassant ses
prérogatives, de soumettre au vote 15 projets de loi parmi lesquels
certains n’ont pas été validés par le Conseil des ministres. Une
nouvelle violation de la Constitution. La responsabilité est collective,
si nous en sommes là aujourd’hui c’est parce que la société civile a
cédé lors de la révision de la Constitution de 2008. Heureusement, je
crois que les partis politiques ont pris conscience de la crise, qui est
une crise politique majeure, la plus importante depuis 1992. La société
civile aussi, à l’image de notre initiative (contre la révision de la
Constitution et la prolongation du mandat, lancée avec Ahmed Adimi et
Mohand-Arezki Ferrad, ndlr), tente d’alerter l’opinion publique sur les
risques de pourrissement.
- Ali Brahimi. Porte-parole du MCDL : non à la révision de la Constitution
Jamais un pays n’a été confronté à la situation dans laquelle se
retrouve l’Algérie aujourd’hui. Nous vivons au rythme d’un patriarche
malade qui a concentré tous les pouvoirs, dans un contexte de corruption
généralisée et de marasme social interne accentué. Après dix ans de
déliquescence, la classe politique ne pourra pas, à elle toute seule,
sortir le pays de l’ornière. C’est aux citoyens, aux patriotes de ce
pays de dire : «Monsieur, vous devez partir !», «Non à la révision de la
Constitution», «Non à la prolongation de votre mandat». L’Algérie doit
organiser des élections libres et le problème n’est pas de savoir si
elles doivent être anticipées ou non. C’est au citoyen de trouver les
formes pacifiques pour une issue démocratique à cette crise.»
- Soufiane Djilali. Président de Jil Jadid : le Président doit partir immédiatement
Si le clan du Président parvient à faire passer les amendements de la
Constitution, qui doivent lui permettre de prolonger son mandat de deux
ans, ce sera un coup d’Etat institutionnel dont les conséquences peuvent
être terribles pour le pays. Bouteflika sera responsable devant
l’histoire de ce qui pourrait se passer. Aujourd’hui, nous assistons à
un véritable effondrement de l’Etat et de ses institutions. Le Président
est sous la coupe directe de son frère Saïd, qui gère les affaires du
pays, car tout indique que malade, Bouteflika n’a plus les capacités
intellectuelles pour prendre en charge la gestion de l’Algérie. Pour
moi, il s’agit d’une usurpation de fonction. D’une gestion du pays par
procuration dont la seule stratégie consiste à briser l’Etat algérien
pour permettre au frère de rester en place le plus longtemps. Le
Président doit partir immédiatement et le plus vite serait le mieux.»
- Ahmed Adimi. Colonel à la retraite, enseignant Sciences Po : place à une nouvelle génération !
Nous vivons une situation de blocage et d’absence totale des partis
politiques et de l’élite. C’est une situation difficile jusqu’à
l’intérieur du pays et autour de nous à travers les tensions à toutes
nos frontières. Le président est absent. Sellal continue de courir ici
et là, mais ses prérogatives restent limitées. Notre initative (contre
la révision de la Constitution et la prolongation du mandat, lancée avec
Abdelaziz Rahabi et Mohand-Arezki Ferrad, ndlr) est ouverte à tout le
monde, nous sommes des personnalités indépendantes et nous demandons des
élections dans les délais fixés au départ. Nous nous opposons à l’idée
qu’un président sortant révise la Constitution. Nous attendons que le
Président se décide, par exemple, à annoncer sa candidature pour 2014
parce qu’il ne peut pas ajouter un jour à son mandat de cinq ans. S’il
est capable de mener une campagne électorale. Il faut aller vers des
élections libres et ouvertes parce que seul un Président
démocratiquement élu pourra faire face à la mondialisation, aux défis
intérieurs et extérieurs de l’Algérie. Ça suffit de cette légitimité
révolutionnaire. Merci, vous avez beaucoup donné, laissez place à une
nouvelle génération !
- Karim Tabbou. Porte-parole de l’UDS : il est fondamental de procéder au changement
La situation est sérieuse et dangereuse, mais en réalité elle perdure
depuis très longtemps. Elle est la conséquence d’un statu quo décidé à
l’intérieur du pouvoir, qui exclut la société algérienne. Le
fonctionnement institutionnel du pays est aujourd’hui entre les mains
de puissances personnelles qui se sont substituée aux institutions et
qui ont décidé de ne rien lâcher. Le remaniement ministériel est
symptomatique du pouvoir qui est détenu aujourd’hui par ces personnes.
Elles ont démontré leur détermination et sont capables du pire. Je me
refuse de personnaliser la situation actuelle. Elle est n’est pas la
conséquence d’un homme mais d’un système. C’est pour cela qu’il est
fondamental de procéder à un changement de société.»
- Abdelaziz Medjahed. Général-major à la retraite : la situation exige que les élites s’organisent
L’Algérie ne peut et ne doit pas reposer sur un seul homme. Zighout
Youcef a dit un jour à des moudjahidine : «Ce peuple est un grand
peuple, sa volonté est immense, sa disponibilité permanente. Il lui faut
une direction à sa dimension. Nous ne devons pas le décevoir, sinon il
risque de commettre de graves erreurs.» Que font nos élites ? La
situation aujourd’hui n’exige-t-elle pas qu’elles se réunissent,
qu’elles s’organisent pour consolider l’Etat en faisant de la justice
ce qu’elle doit être : le ciment de la société, la colonne vertébrale de
l’Etat. Toutes les forces de ce pays doivent conclure un pacte au nom
de l’intérêt national. Les citoyens aussi. Car nous ne devons pas être
des sujets qui subissent mais des citoyens qui s’engagent et qui
assument leurs responsabilités.»
- Yacine Zaïd. Militant des droits de l’homme : le chaos a pris des proportions inquiétantes
J’ai le sentiment que nous sommes en train de perdre notre pays, que
l’anarchie et le chaos ont pris partout des proportions inquiétantes.
Des jeunes du MCA, rencontrés après l’incident du stade du 5 Juillet,
ont menacé de brûler Alger pour venger les deux supporters morts. Il
suffit d’une étincelle alors pour tout faire exploser dans ce pays !
C’est alarmant. Les élites sont démissionnaires, elles cherchent leur
petit confort. Ce pouvoir n’est fort qu’à cause de nos divisions, donc,
au fond, il est vulnérable. Ces gangsters qui nous gouvernent n’aiment
pas ce pays. Comment peut-on continuer à vivre normalement quand on sait
que l’on importe pour 60 milliards ? Comment ne pas avoir peur de la
récupération que peuvent faire des délinquants ou des intégristes de la
colère populaire ?
- Sélim Khazanadar. Philosophe et mathématicien : le Président devrait organiser une transition
Le blocage est national et international. L’Algérie a été complètement
absente des dossiers syrien, iranien et subsaharien. Dans le domaine
économique, on voit bien qu’il n’y a pas d’investissements, faute de
confiance et de visibilité. Le pays est complètement paralysé. Je
préfère donc parler de bilan clinique plutôt que de bilan politique. Ce
blocage va durer parce qu’il n’y a que des manœuvres, ni réflexion, ni
stratégie. Le Président est âgé, malade, fatigué, tout le monde le sait.
La sagesse voudrait, s’il avait le souci de l’Algérie, d’organiser une
période de transition et de sortir par la grande porte.
- Aibek Abdelmalek. N°2 du mouvement des chômeurs : qu’il parte s’il lui reste un peu d’honneur
Le front social est en ébullition, car le pouvoir ne propose pas de
solutions. La maladie du président ne change rien à la réalité de la
situation actuelle. C’est un échec politique. En tant que chômeurs qui
tentons de sortir d’une situation de précarité dans laquelle nous sommes
confinés, nous suivons avec beaucoup de détachement les événements qui
ont lieu actuellement. Non, pas parce que cela ne nous concerne pas mais
parce que nous savons que notre sort n’est pas lié à un homme, mais à
un système. Reste que les images du président sont tragiques. Un
Président que les Algériens qui avaient l’habitude de le voir sauter
d’un avion à un autre, de passer d’une capitale à une autre, sont
consternés de voir les images de ce vieil homme, qui n’arrive plus à
parler. Il est temps que le président parte s’il lui reste un peu
d’honneur.
- Ali Fawzi Rebaïne. Président d’Ahd 54 : le pays doit retourner à ses enfants
Le départ ou le maintien de Bouteflika est un faux débat. C’est le
soleil qu’on tente de cacher avec un tamis. Nous sommes aujourd’hui
victimes des décisions de l’armée. Jusqu’à preuve du contraire, c’est
l’institution militaire qui a installé, en 1999, le chef de l’Etat. Que
ce soit Chadli, Zeroual ou Bouteflika, ils ont tous le même parrain :
l’armée. Si aujourd’hui, nous sommes dans la situation dans laquelle
nous nous trouvons, ils en sont responsables. C’est aux militaires de
décider s’ils veulent faire sombrer le pays dans le chaos ou mettre en
place un Etat de droit. Est-ce que l’armée est décidée à arrêter de
faire de la politique et de s’occuper de ce qu’elle sait faire le mieux :
la défense du pays ? Il y a nécessité à ce que les forces vives de ce
pays émergent et que ce pays retourne à ses enfants.»
S.
Mesbah, Ad. Meddi et Mel. M
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire