Victime d’injustice et de répression antisyndicale




Bouamrirene Mohamed , ancien employé de MI SWACO / M-I ALGERIA SPA (société multinationale activant dans le secteur pétrolier à Hassi Messaoud, sud de l’Algérie) de 1997 à avril 2004 -date de son licenciement abusif-, livre son modeste témoignage. Il s’exprime publiquement car l’arbitraire dont il a été personnellement victime est directement lié à sa tentative de formation d’une section syndicale autonome et espère ainsi alerter l’opinion et notamment les ONGs et défenseurs des droits de l’homme et de la liberté syndicale quant aux méthodes illégales employées en Algérie à l’encontre des syndicalistes autonomes, et ce, en toute impunité.

J’ai l’honneur de vous exposer brièvement mon cas qui résume les injustices dont je fus l’objet en raison de l’arbitraire qui a grandement affecté ma situation et mes droits, voire même ma famille qui n’a pas été épargnée.L’hégémonie et les pouvoirs dont jouissent mes supérieurs ainsi que les parties concernées (les autorités algériennes) ont permis les violations de mes droits de citoyen algérien outre les violations de mes droits professionnels et administratifs que je souhaite exposer ci-dessous.

Je fus en mars 2003, l’initiateur de la constitution d’un syndicat de travailleurs au sein de la société conformément aux lois de la république consacrées par la Constitution algérienne, et je fus largement soutenu par les travailleurs dans cette initiative; chose qui avait déplu aux décideurs au sein de ladite société qui ont alors tout fait pour écarter les travailleurs. Je suis devenu à leurs yeux, une sorte de menace pour leur société alors que je n’étais qu’un simple travailleur qui luttait pour le recouvrement de ses droits et les droits professionnels des travailleurs violés par une administration qui sait parfaitement esquiver la loi et les hommes.

En effet, je n’ai cessé, durant presque une année, de recevoir des ordres et de subir des pressions de la part de mes responsables afin de procéder à des opérations comptables douteuses en contrepartie de sommes d’argents qu’ils touchaient à leur profit et en ayant recours à des moyens illégaux. Puisqu’ils voulaient m’impliquer dans des affaires illégales et ce afin de me piéger et d’une certaine manière de se débarrasser de moi en mettant en échec la formation de la section syndicale.

Pour rappel, je vous informe que j’ai occupé au sein de ladite société deux postes à la fois, magasinier relevant du département de logistique et agent administratif au département de l’administration. Etant donné l’importance de la responsabilité qui m’incombait, j’ai fait ce que je me devais de faire afin de défendre mes droits. J’ai toujours refusé, dans le cadre de mon travail et de par mon éducation, leurs demandes et ordres illicites qui étaient naturellement en contradiction avec mes fonctions.

Je fus donc licencié de mon travail par un coup monté alors que j’étais en congé de récupération. Je fus objet de dérision de la part des responsables étrangers qui ont porté atteinte à ma dignité avec la complicité de leurs partisans algériens, puisqu’ils ont inventé de fausses accusations afin de justifier le licenciement. Leur fausse accusation était donc que j’aurais falsifié des documents officiels, tout ceci s’opérant bien entendu sans preuve, sans prendre aucune mesure officielle, et sans porter plainte contre moi devant les juridictions compétentes pour prouver l’acte d’usage de faux puni par la loi. Le plus étonnant est que cet incident était prémédité et en violation de mes droits au respect et à l’autodéfense ; vu que je fus empêché de parler, malgré mes tentatives d’ouvrir la voie au dialogue et d’en débattre, par les responsables et l’administration de la société.

A cet effet, la société multinationale, en l’occurrence M-I SWACO, commet des abus à l’encontre des travailleurs algériens qui sont impuissants pour se défendre, viole leurs droits reconnus par la loi et la Constitution et les exploite au point de les asservir. Elle a également recours à la discrimination entre les travailleurs dans le domaine du travail en termes de salaires et de conditions de travail. Tout travailleur désireux de réclamer ses droits légitimes ainsi que de s’engager pour la création d’un syndicat sera considéré comme élément perturbateur et sera par conséquent licencié. Les responsables de cette société menacent en effet tout travailleur qui pense à l’engagement syndical contre les atteintes à la dignité et aux droits des travailleurs dans la société sous le silence terrible des autorités algériennes, ce qui nous a conduit à réaliser que le problème ne réside pas dans le simple fait que les sociétés étrangères enfreignent les lois et commettent des dépassement à l’encontre des travailleurs algériens mais avant tout dans le fait qu’elles s’octroient le droit de les commettre ; puisqu’elles pensent qu’ils méritent que leurs droits professionnels et humains soient violés pour avoir voulu seulement constituer des syndicats de travail qui défendent leurs droits consacrés par la loi, la constitution et le droit international.



Droits et protection des travailleurs Les syndicats autonomes en quête de reconnaissance

Mercredi 27 novembre 2013

Intimidation, harcèlement et licenciement : c’est le quotidien des personnes décidées à activer dans un syndicat autonome en Algérie. Chronique d’un mouvement sous les coups de boutoir d’une perpétuelle répression.

Le 2 juin 1990, l’Algérie adopte la loi 90-14 autorisant la création d’organisations syndicales. Marginalisés dans les organes dirigeants du syndicat unique, les fonctionnaires se sont investis et structurés dans des syndicats autonomes, malgré un environnement politique et sécuritaire hostile et une répression sans répit. Des dizaines de syndicats autonomes ont été créés dans la Fonction publique, à l’exemple du Syndicat national autonome des personnels de l’administration publique (Snapap), du Syndicat autonome des travailleurs de l’éducation et de la formation (Satef), du Conseil national autonome des professeurs de l’enseignement secondaire et technique (Cnapest), des syndicats des praticiens et spécialistes de santé publique et de tant d’autres. Dans la pratique pourtant, les pouvoirs publics continuent à peine à tolérer les syndicats autonomes que l’adhésion de plus en plus large des travailleurs a déjà légitimés.

Des militants sont muselés, réprimés, tabassés, arrêtés arbitrairement et poursuivis, en pénal pour certains, pour l’exercice de leurs activités syndicales. Des syndicalistes sont licenciés ou suspendus de leur poste de travail parce qu’ils n’ont fait que s’organiser dans une structure indépendante. Ces répressions ont fini par avoir raison de beaucoup de sigles créés pour défendre les travailleurs loin de l’hégémonie de l’UGTA. Pourquoi tant d’entraves à l’exercice syndical ? Pourquoi tant d’obstacles pour la création d’une confédération regroupant les syndicats autonomes ? Le pouvoir est-il à l’origine des scissions qu’ont connues certains syndicats ? Pourquoi craint-il l’émergence d’un syndicat autonome au sein des entreprises économiques ?

Une seule réponse revient dans la bouche des concernés : le pouvoir a tout simplement peur d’un contre-pouvoir et le monde syndical au pluriel fait doublement peur au régime. Des syndicats autonomes unis, rassemblés dans une fédération, pèseront de leur poids et feront de l’ombre à l’UGTA, organisation qui souvent a servi les tenants du pouvoir.

La brêche d’octobre 1988

Saïd, un ancien syndicaliste, se remémore les années 1970 et 1980, lorsque le pouvoir étouffait dans l’œuf toute tentative de manifestation dans le monde du travail. «A l’époque, il était interdit même de prononcer les mots “syndicat autonome’’. Nous étions affiliés à l’UGTA, mais nous n’avions pas le droit d’aller à contresens des décisions du pouvoir. Le FLN et l’UGTA étaient rattachés au pouvoir. C’étaient leurs supports», explique Saïd qui assure que la brèche de 1988 a permis, un tant soit peu, aux travailleurs de souffler et de se libérer. Saïd regrette, toutefois, que des opportunistes se soient érigés en militants de premier rang et sont devenus des patrons de syndicats. Pour le docteur Lyes Merabet, leader du Syndicat des praticiens de la santé, le syndicalisme autonome est à sa phase de construction. Ce mouvement n’a commencé réellement à émerger qu’à partir de 2002. Durant la décennie noire, les travailleurs tentaient tant que bien que mal de survivre…

Le syndicalisme autonome est donc à ses premiers balbutiements. Il estime, aujourd’hui, qu’il est impérativement nécessaire d’arriver à émanciper l’activité syndicale de l’emprise politique et financière…
Cet avis est partagé par Achour Idir, représentant du Conseil des lycées d’Algérie (CLA), qui, pour sa part, estime qu’il y a des manipulations qui sont effectivement le fait du pouvoir, mais il déplore aussi le manque de transparence interne au sein des syndicats.

Assainissement

Quant à M. Hennad, politologue, c’est une autre approche du monde syndical qu’il perçoit : pour lui, le champ syndical est toujours verrouillé et les syndicats autonomes manquent de maturité. «Les syndicats autonomes revendiquent, eux aussi, une redistribution de la rente pétrolière. La revendication socioprofessionnelle est juste une impression…», explique-t-il. Une réflexion que rejettent les syndicats.
Le docteur Merabet plaide pour l’assainissement de la scène syndicale des «clones et des relais du pouvoir». Il affirme que sur le terrain, seuls 6 ou 7 syndicats sur les 17 que compte le secteur de la santé sont représentatifs.

Le pouvoir, déplore notre interlocuteur, considère les syndicats autonomes pas assez mûrs pour débattre des questions à dimension nationale : «Le syndicat autonome a arraché beaucoup d’acquis, nous avons récupéré des espaces et nous nous sommes libérés de l’UGTA. Nous avons su nous imposer dans la Fonction publique. Nous sommes incontournables», se réjouit-il néanmoins. Sur un autre plan, l’absence de syndicats autonomes dans le secteur économique s’explique, selon notre interlocuteur, par l’hostilité assumée des pouvoirs publics en rappelant les tentatives vaines du Snapap de créer un syndicat à El Hadjar (Annaba).
Il reste toutefois persuadé que cette situation ne va pas durer. «Il y a des tentatives, elles sont timides mais finiront par aboutir, comme c’est le cas pour les fonctionnaires. On est convaincu que le pouvoir cherche à gagner du temps. Les travailleurs sont conscients que seul un syndicat autonome peut les représenter dignement.»

Comment sont traitées les demandes d’agrément :

La loi n°90-14 relative à la création de syndicats autonomes exige que les syndicats s’enregistrent en transmettant aux autorités une déclaration annonçant leur création. Cette déclaration doit comprendre la liste des membres fondateurs et du comité d’administration du syndicat, ainsi que leur signature, leur situation personnelle, leur profession et leur adresse : deux copies certifiées des statuts du syndicat et enfin le procès-verbal de leur assemblée générale fondatrice.

La loi énonce que le wali ou bien le ministre du Travail doit délivrer un récépissé reconnaissant la constitution du syndicat dans les 30 jours. Toutefois, beaucoup de syndicats ont déposé des dossiers mais les autorités refusent parfois d’émettre le récépissé prouvant qu’ils ont bien été notifiés.
Interrogé, M. Merchiche chargé du dossier relatif à la création de syndicats au ministère du Travail, dément : «Nous traitons tous les dossiers de la même manière. Et si le dossier répond aux critères et comporte toutes les pièces, il n’y a aucune raison pour ne pas lui délivrer un récépissé.

A mon niveau, je m’assure que le dossier est complet, puis je le transmets à mes supérieurs.» Les dossiers, expliquent les syndicalistes, sont traités minutieusement en haut lieu. Et d’ajouter que le ministère du Travail est devenu une forteresse à l’époque où Tayeb Louh était à sa tête. «La communication faisait défaut. Nous avons voulu avoir des chiffres sur le nombre de grèves, nous avons essuyé un refus catégorique.

Ce département faisait tout, à l’exception de son travail», note M. Djabi. A propos des grèves, des centaines ont eu lieu ces dernières années et pratiquement tous les secteurs ont été touchés. Le recours à la grève est motivé par l’échec de la négociation et la plupart du temps par le refus de la tutelle d’ouvrir les portes du dialogue.    N. A.

Nabila Amir

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