Mardi 26 novembre 2013
Votre bilan est détestable et détesté, catastrophique, désastreux, calamiteux.
Le président Bouteflika est le produit du système politique en vigueur
depuis l’indépendance du pays, qui s’est conduit comme la France
coloniale s’est conduite.
L’expérience de 1962 prouve que l’armée des
frontières, qui a pris le pouvoir pour servir le peuple, a, une fois
installée aux commandes du pays, oublié le peuple, confisqué la
souveraineté populaire et la citoyenneté. Il faut d’abord se baigner
dans la source plusieurs fois millénaire du peuple algérien, avant de
préparer à nager dans la rivière ou la mer.
Les dirigeants politiques du
mouvement national qui ne se sont pas référés à toute l’histoire du
peuple algérien, celle de Massinissa, de Jugurtha, de la Kahina, qui ont
fait sa grandeur, ont suivi le précepte d’Alexandre Dumas que je ne
partage pas et que je condamne, selon lequel : «On a le droit de violer
l’histoire, à condition de lui faire de beaux enfants.»
Les dictateurs militaires installés par les coups d’Etat par les armes
et par les urnes, sont soutenus par les démocraties occidentales, parce
que l’islamisation des sociétés appelle la solution militaire.
Le vent
de la liberté est déterminé à destituer de par le monde, toutes les
dictatures. L’année 2011 a mis fin à la dictature de Benali le 14
janvier, et à celle de Moubarak le 11 février.
Le verdict des urnes
propres et transparentes a mis fin à l’ère des dictatures. Un problème
politique majeur domine tous les autres, le changement du système
politique algérien et du dernier pouvoir qu’il a engendré, pour changer
l’Algérie, est un impératif.
Le peuple algérien doit exercer son droit
d’inventaire sur le bilan du président Bouteflika. Il le jugera sur ce
bilan, car non seulement rien ne s’est amélioré, mais tout s’est
détérioré. Le bilan n’est à l’origine d’aucune avancée sociale ou
sociétale.
Il conduit les Algériens droit dans le mur, ne sauvegarde pas
le lien politique et social qui leur préserve un avenir. Tout se
dégrade, se délite, mis à mal par un pouvoir dépensier, qui adopte des
remèdes qui ne sont pas adaptés.
L’Algérie n’est sortie ni plus grandie ni plus prospère des trois
mandats du président Bouteflika. Il est opportun de scruter de plus près
la crise qu’il est urgent d’enrayer.
Selon la maxime de Gramsci : «Il y
a crise quand le vieux ne meurt pas et quand le neuf ne veut pas
paraître.»
Le président est aveuglé par ce qu’il croit sa réussite.
Assis sur un trône, il fait ce qu’il veut et pour qui il veut, se montre
généreux avec lui-même, sa famille, sa tribu, ses clans, ses protégés,
ses courtisans qui tiennent le haut du pavé sont tous remerciés,
gratifiés, honorés.
Il ne se refuse rien et ne refuse rien aux siens. La
Présidence est polluée par l’argent. La fusion, l’alliance, le mariage
entre le pouvoir et l’argent, fait qu’avec la politique orientée à la
gestion des affaires on peut faire de l’argent et avec l’argent on peut
faire de la politique. Le tribalisme primaire, qui fait de la tribu
d’origine du Président un centre de pouvoir, est présent et agissant.
Tout pouvoir qui n’amène pas de la souveraineté populaire librement
exprimée par des élections libres et transparentes engendre la
dictature. Le président Bouteflika, qui a accédé en 2008 par la révision
de la Constitution à son penchant de prédilection, le goût de
l’autorité absolue, décide d’assurer tous les pouvoirs et de gouverner
sous l’opprobre de dictateur.
Il n’a qu’une seule ambition, appliquer le
césarisme avec la vision de l’homme providentiel, qui prolonge la
dérive monarchique avec sa tentation dynastique, qui est un phénomène
régional de transmission héréditaire du pouvoir à un de sa famille, de
sa tribu ou de son clan.
Tout émane du Président, qui a mis la main sur les principaux leviers
du pouvoir, tout repose sur lui. Il règne et gouverne à la fois,
préserve son modèle de pensée unique et inique.
Il maintient et
consolide son pouvoir illégal et illégitime, qu’il faut traiter comme
tel, par l’encadrement, le contrôle et la répression du peuple, par la
police, le DRS et la justice.
L’Algérie n’a pas vocation à voir se perpétuer la dictature, qui doit disparaître du paysage politique.
Il faut entendre le Premier ministre et les clans du pouvoir vanter les
mérites du Président, impérial et impérieux, qui relèvent de la
légende, parce qu’il sait prendre les décisions fortes, rapides et
exemplaires, alors que, comme l’écrit Victor Hugo dans Hamlet : « Tout
flotte, hésite, atermoie, chancelle».
Pour les gens du pouvoir, qui entretiennent autour du Président abus de
pouvoir, corruption, passe-droits, réseaux d’influence, train de vie
élevé, le bilan de Bouteflika est non seulement bon, mais très bon. Ils
sont fascinés par l’argent, placent leurs intérêts avant ceux de l’Etat,
ce qui ternit leur image déjà peu flatteuse.
Le Président est crédité par eux d’homme providentiel, doté d’un sens
politique exemplaire, hors pair de volonté et de courage politique,
d’esprit d’initiative dans de nombreux domaines.
Le népotisme consiste à
les promouvoir aux postes clés de l’Etat, même s’ils n’ont ni
l’envergure ni la compétence pour les exercer.
Ils se sont emparés de
pans entiers du pouvoir politique stratégique, économique, diplomatique,
religieux et exercent une influence déterminante sur la politique du
pays.
Dresser dans le détail le vrai bilan du président Bouteflika,
c’est le condamner par des mots très sévères, parce qu’il a précipité le
pays dans la catastrophe et réduit l’Etat à une situation de faillite
politique et morale. Les critiques à l’égard de la stratégie et des
méthodes du pouvoir colonisé par les clans qui l’occupent, mais
disposent du peuple qui est leur propriété, sont nombreuses.
Il faut
sortir de l’incohérence politique, appliquer la pédagogie de la vérité,
ne retenir que les sujets les plus sensibles qui sont au cœur de la
société. Les Algériens n’ont plus confiance dans les institutions, que
ce soit la Présidence, le gouvernement, le Parlement, la justice, le
Conseil constitutionnel. Il faut mettre fin au despotisme du Président,
qui régente tout ce qui dans le pays délibère ou légifère.
Les conseillers du président forment le vrai gouvernement, l’autre,
celui du premier ministre, multiplie les signes d’allégeances.
Les
députés et les sénateurs issus d’élections truquées ne sont pas les
représentants du peuple qui détient et confère la légalité et la
légitimité, mais du pouvoir qui a pris les commandes et les répartit par
quotas.
Les élections truquées ne légitiment ni les élus ni le
parlement potiche aux ordres, qui fonctionne à vide sans prise réelle
sur les problèmes du pays.
Le scrutin passe comme d’habitude pour une
formalité, au pire pour une farce électorale qui ne sert qu’à reproduire
le pouvoir en place. Il faut restituer au peuple le droit de voter
librement, ne pas ruser avec le suffrage universel perverti par la
fraude électorale.
Gouverner par ordonnances est un déni de démocratie
qui efface le rôle dévolu au parlement. Il y a une prise de conscience
qui ne veut pas servir de courte échelle à un pouvoir issu d’un système
politique, qui a fait le désastre du pays, mais veut perdurer. La
constitution, ce n’est pas pour le peuple, mais pour le président
Bouteflika qui a dit que la constitution de 1996 ne lui plaisait pas.
Tayeb Belaïz a déclaré à l’occasion de l’installation du nouveau wali
de Tlemcen :
«C’est absurde, nous avons des lois qu’on n’applique pas,
alors à quoi servent les lois». Hommage du vice à la vertu. Il est temps
de revenir au respect de la constitution si souvent bafouée. Belaïz,
qui n’est pas à une violation constitutionnelle près, n’a pas appliqué
l’article 88 qui prévoit l’empêchement par suite de maladie grave et
durable. L’empêchement provisoire implique la saisine de plein droit du
conseil constitutionnel, qui demande au parlement de déclarer la vacance
provisoire ; si le président ne reprend pas ses activités dans un délai
de 45 jours, il est frappé d’empêchement définitif, et la vacance
officielle est déclarée de plein droit par les deux chambres réunies du
parlement.
C’est la constitution qui demande au président, qui n’est que
l’ombre de lui-même, de se retirer de la vie politique par application
de l’article 88. Un président soucieux de l’histoire, de la nation, de
la patrie, des intérêts du peuple algérien doit démissionner toutes ses
fonctions en raison de sa maladie grave et durable.
La justice n’est pas un pouvoir mais une simple autorité sous la
tutelle du pouvoir exécutif.
Il faut rafraîchir la mémoire des
Algériens sur la justice. Les deux débats, l’un sur le détournement de
l’argent public, l’autre sur l’abus de pouvoir, qui font éclater au
grand jouir la perversion de la justice, dénoncent le glissement
progressif de la justice debout vers une justice assise, et qui finit
couchée et aux ordres, instrumentalisée par le pouvoir. Des secteurs
entiers de l’Etat et de la société, la magistrature en particulier, son
gangrenés par la corruption.
Combattre la mise au pas de la société
civile a un impact positif sur la vie des Algériens.
Les aveux extorqués
sous la torture qui est le déni d’humanité à des humains ne sont pas
pris en considération par les tribunaux et cours. Les droits de l’homme
sont mis à rude épreuve.
Le pouvoir apporte aux droits des personnes et
aux libertés individuelles et collectives de la restriction injustifiée,
qui relèvent de l’illégalité, dans le silence du conseil
constitutionnel. Il bafoue le droit interne et de nombreuses conventions
internationales qu’il a ratifiées.
Le Conseil de la nation budgétivore
ne représente ni la souveraineté du peuple ni les collectivités du
peuple, il faut le dissoudre.
Le pouvoir a démontré son inefficacité non seulement dans le domaine
des libertés, mais aussi dans le domaine de l’économie et du social, où
tous les indicateurs sont au rouge.
La gravité de la situation se
reflète dans le domaine agricole et industriel qui est à construire.
L’agriculture et l’industrie doivent être au cœur de la stratégie
économique pour en finir avec l’infantilisme économique, assurer le
décollage économique, et faire de l’Algérie un pays émergent.
L’économie
se porte mal, celle conduite par le pouvoir qui a besoin de rénovation
a conduit à l’échec. Il est temps de la stimuler.
L’Algérie qui perdu
sa souveraineté alimentaire et dépend de plus en plus de l’étranger pour
l’approvisionnement des ressources alimentaires doit rester à la
hauteur de sa vocation agricole, en augmentant le rendement et la
qualité de ses productions agricoles.
Les économistes et les patrons
privés d’entreprise qui sauvent l’état du pays, jugent avec sévérité le
pouvoir qui ne prend pas les bonnes décisions pour l’économie.
Toute
économie qui repose sur la circulation de l’argent liquide facilite la
corruption.
Il y a deux Algérie, celle des riches toujours plus riches, celle des
pauvres toujours plus nombreux, celle qui souffre de la faim sans fin,
celle qui souffre d’indigestion et va soigner ses maux d’estomac dans
les hôpitaux français avec prise en charge par l’Algérie.
L’égal accès aux soins n’est pas égal pour tous. Le pouvoir refuse
d’engager une véritable politique de santé publique. Devant une
prospérité sans précédent grâce à la rente pétrolière, il y a
aggravation de la pauvreté, une inflation à deux chiffres loin d’être
jugulée qui absorbe les salaires augmentés, hausse du chômage, chute du
pouvoir d’achat, précarité, montée des inégalités sociales.
Il est
urgent de reposer la question sociale, d’élaborer une nouvelle politique
sociale, basée sur la justice sociale qui est un élément fondamental de
la cohésion sociale.
Le pouvoir n’écoute pas la colère des pauvres, la
révolte des indignés, le désespoir des oubliés, les signes de détresse
sociale qui s’accumulent, ignore les actes de suicide qui se multiplient
parce que la souffrance épuise le sens de la vie.
Les mouvements de
contestation qui ne cessent de faire surface et rassemblent de plus en
plus de manifestants vont se reproduire en un mouvement de grande
ampleur, sous l’égide des syndicats autonomes. Les travailleurs se
déterminent en fonction de leur situation économique et sociale.
Le syndicalisme autonome est considéré comme dangereux par le pouvoir,
qui le somme d’abandonner sa raison d’être, le syndicalisme de
négociation de proposition et de contestation, pour un syndicat
autonome, que le pouvoir veut neutraliser. Il n’y a pas de limites à des
valeurs humaines, telles que l’entraide et la solidarité dans la vie
quotidienne.
La police opte pour la stratégie d’escalade de la violence,
réprime les manifestants qui relèvent le défi par la pression de la
rue, qui peut conduire à une explosion sociale.
Les jeunes algériens qui
émigrent vers les pays développés n’obtiennent pas souvent des permis
de séjour, mais des permis d’inhumer.
La Méditerranée est le plus grand
cimetière marin, il faut donner la priorité à l’éducation, l’emploi, la
santé et le logement. La réconciliation nationale qui devait être un
grand projet politique est réduite à sa dimension politique.
Que choisir
pour réconcilier le pardon contre la justice ou la paix par la justice ?
L’amnistie sans la vérité et la justice n’est qu’impunité.
Toute tentative de sauver la paix au détriment de la vérité et de la justice conduit à l’échec des deux.
Ali Yahia Abdenour
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