On en discutera en juin. On en discutera toujours plus tard. Mais on n’a pas oublié de fixer à l’agenda une rencontre entre le Conseil de sécurité de l’ONU et les pays européens membres de ce Conseil. L’objectif est d’obtenir l’autorisation de mener des actions militaires contre les réseaux de passeurs et de trafiquants actifs en Libye en détruisant leurs navires.
Les 28 pensent-ils vraiment une seconde que cela va dissuader les passeurs ? Ils entassent déjà les migrants sur les rafiots les plus pourris qu’on puisse imaginer. Remplacer ce type de bateau par un autre tout aussi pourri ne coûte rien par rapport aux gains faramineux que rapporte le commerce des migrants. Et comment va-t-on distinguer ces bateaux des autres utilisés par les pêcheurs ? Ne peut-on pas imaginer que les trafiquants n’auront aucun scrupule à se servir des migrants comme boucliers humains si leurs bateaux devaient être arraisonnés de force ? Et quel résultat espérer ? Une route migratoire fermée en génère aussitôt une autre, souvent plus risquée encore.
Sans nier la nécessité de combattre ce trafic, ce type d’opération revient surtout à mettre la responsabilité des migrations sur le seul compte des passeurs. Une manière commode de nier les causes politiques, économiques qui produisent ces migrations et dont l’Europe est aussi responsable.
Affronter les trafiquants ou l’électorat ?
Mais s’en prendre à des bateaux, c’est évidemment tellement commode. Cela fera des belles images télévisées, cela donnera l’illusion que les gouvernements agissent enfin et cela plaira certainement à un électorat partisan d’une réponse sécuritaire et musclée à l’immigration. Tout comme le renforcement des opérations de contrôle des frontières, ces interventions coûteront cher, bien plus cher que de mettre en place une politique d’accueil des migrants, ne serait-ce qu’en leur accordant une protection temporaire.
Mais une politique d’accueil supposerait de vraies négociations politiques au sein du Conseil européen. La majorité des migrants et des demandeurs d’asile proviennent de pays en guerre : Syrie, Irak, Erythrée. D’un état européen à l’autre, les « efforts » fournis pour accorder une protection aux réfugiés par la procédure d’asile et les programmes de réinstallation ne sont en rien comparables. L’absence de solidarité est totale dans ce domaine.
Certains pays font beaucoup. L’Allemagne et la Suède ont des programmes de réinstallation des réfugiés ambitieux. La Belgique accorde une protection à la toute grande majorité des demandeurs d’asile syriens et irakiens mais semble considérer l’installation de 200 Syriens comme un effort méritoire quand l’Allemagne offre 30.000 places ! Et puis il y ceux qui ne font rien. Comme la plupart des pays de l’Europe centrale. Il a fallu faire pas mal de pressions sur le gouvernement tchèque pour qu’il consente à accueillir cette année et pour la première fois 70 réfugiés syriens, des blessés et des malades. On l’aura compris.
Il est plus facile de trouver un consensus politique pour couler des vieux bateaux, même si ça ne sert à rien, que d’oser une politique commune d’accueil des réfugiés. Ce n’est pas neuf mais il faut taper sur le clou encore et encore.
Il ne s’agit pas de positions officielles d’Amnesty International et les articles dans cette rubrique ne reflètent pas forcément les positions d’AI.
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