Vendredi 01 mai 2015
En 1761, un navire de la Compagnie française des Indes orientales,
chargé de 160 esclaves malgaches, faisait naufrage sur un minuscule îlot
de l’océan Indien. Sur les 90 rescapés, huit survivants seront sauvés
quinze ans plus tard. Cette histoire fait l’objet d’une remarquable BD.
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© SAVOIA
Image de couverture de "Les esclaves oubliés de Tromelin", par Sylvain Savoia. |
C’est une bande dessinée fascinante que nous livre son auteur
Sylvain Savoia. Dans « Les esclaves oubliés de Tromelin » (éditions
Dupuis/Aire libre), le dessinateur, qui s’est rendu sur place pour
travailler ses planches, relate avec précision l’histoire des esclaves
malgaches laissés à l’abandon sur ce minuscule îlot de l’océan Indien en
1761. Il raconte aussi en dessins son immersion à Tromelin (territoire
rattaché aux Terres australes et antarctiques françaises, les TAAF)
durant une expédition scientifique à laquelle il a participé en 2008.
Arrachés à leur terre
En juillet de l'an 1761, un navire de la
Compagnie française des Indes orientales, « L’Utile », quitte
Madagascar. A son bord, plus de 140 membres d’équipage et de passagers,
ainsi qu’en fond de cale quelques 160 esclaves malgaches arrachés à leur
terre. Le capitaine du bateau, Jean Lafargue, n’a qu’une envie, livrer
sa « marchandise » au plus vite pour en tirer un maximum de profit. Au
détriment de la sécurité, il emprunte une route inhabituelle et réputée
difficile.
Et c’est le drame. Le 31 juillet vers 22h, le navire fait naufrage près
de l’île de Sable, en plein océan Indien. Il y a des rescapés : 122
membres d’équipage et 90 esclaves, les autres, enfermés dans les cales,
périssent noyés. L’île est en fait un minuscule îlot désolé de 1,7
kilomètre de long sur 700 mètres de large environ, situé à 500
kilomètres des côtes les plus proches. On n'y trouve que quelques
arbustes.
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© SAVOIA |
Les rescapés découvrent finalement de l’eau potable au bout de trois
jours, en creusant en profondeur. Entre-temps, pour survivre, ils
boivent du vin, réchappé du naufrage. Des vivres ont également été récupérées.
Privés de boisson et d’eau pendant ce temps par l’équipage, une dizaine
d’esclaves meurt de soif et d’épuisement. Les autres se nourrissent
d’oiseaux et de tortues capturés sur place.
Au bout de deux mois, les marins, avec l’aide des esclaves, ont
reconstruit un bateau avec tout ce qu’ils ont pu récupérer de l’épave,
bois, charpente, voiles, cordages, etc. Tous les membres d’équipage
blancs s’y embarquent, laissant à terre les esclaves à qui ils avaient
pourtant assuré la liberté contre leur aide à reconstruire un navire.
Ils leur promettent néanmoins de revenir les chercher et leur laissent
des vivres pour trois mois.
Promesse jamais tenue
Mais
cette promesse ne sera jamais tenue. Ce n’est qu’en novembre 1776, soit
quinze ans plus tard, que le commandant de corvette Tromelin reviendra
sur l’îlot, à qui il lèguera son nom. Sur les 80 esclaves laissés à leur
triste sort en 1761, il ne reste que sept femmes et un bébé de huit
mois, né entretemps, qui seront finalement sauvés. L’histoire des
esclaves abandonnés alimentera la cause antiesclavagiste en France, et
près de deux siècles et demi plus tard des expéditions scientifiques
auront lieu pour comprendre comment les esclaves de Tromelin ont pu
survivre et reconstituer un semblant de communauté sur cet îlot désolé
de l’océan Indien, fréquemment ravagé par les cyclones.
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